Conclave des retraites : la droite relance l’offensive du système par capitalisation!

Le « conclave des retraites » est une belle opportunité. Pas pour les syndicats, qui ont vite compris que l’abrogation de la réforme adoptée à coups de 49.3 en 2023 ne serait pas à l’ordre du jour, même après le vote de l’Assemblée nationale, le 5 juin, d’une résolution rejetant ce texte injuste. L’opportunité est bien pour la droite, qui profite des dernières réunions du conclave les 12 et 19 juin prochain, pour tenter de remettre sur la table la retraite par capitalisation.

Edouard Philippe en tête, lui dont le projet de retraites par points en 2019-2020 a capoté. Dans le cadre de la promotion de son livre aux allures de pré-campagne présidentielle, l’ancien Premier ministre s’est dit favorable à la mise en place d’un « système de capitalisation qui n’a pas vocation à remplacer complètement la répartition, mais qui doit venir compléter le système de répartition », à hauteur de « 10, 15, 20 % » au micro de France Inter, le 4 juin dernier.

L’objectif est d’obliger les travailleurs à investir une partie de leurs cotisations dans des produits financiers dont le rendement dépendra de l’évolution des marchés et des taux d’intérêt. Le tout, en jouant la carte du chantage : « Les actifs d’aujourd’hui, ceux qui prendront leur retraite dans vingt ans, n’ont rien à espérer d’un système par répartition, sinon une certitude : ils vont payer de plus en plus et ils toucheront de moins en moins », affirme le maire du Havre, feignant d’ignorer que d’autres pistes de recettes pourraient être envisagées.

Comme un écho à la voix du patronat français, celle du président du Medef, Patrick Martin, qui, dès le début du conclave, a fait savoir qu’il s’opposerait à l’augmentation du taux de cotisations vieillesse, poussant pour introduire « une dose » ou « un pilier » de capitalisation.

« Les systèmes par capitalisation ont quasiment tous fait faillite »

Les potentiels concurrents d’Edouard Philippe à droite dans la course à l’Élysée sont sur la même ligne. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, plaide aussi pour « 15 à 20 % de capitalisation ». Il défend une « capitalisation populaire » basée sur un fonds « géré par les partenaires sociaux » mais s’oppose cependant à une nouvelle modification de l’âge de départ à la retraite, contrairement à Edouard Philippe qui rêve de voir les Français travailler jusqu’à leurs 67 ans. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a lui rappelé sa promesse, avancée lors de la campagne électorale pour la présidence du parti Les Républicains, d’introduire une part de capitalisation au système actuel.

Au gouvernement, la porte n’est pas fermée. La porte-parole, Sophie Primas (LR), affirmait au Figaro que si « les Français sont très attachés à la répartition, il faut conserver ce système, mais y intégrer une part de capitalisation ». Un propos nuancé par le ministre de l’Économie, Eric Lombard pour qui « cela demanderait une réflexion plus large sur l’organisation » de cette introduction de la capitalisation dans le système de retraite. Le 8 juin, sur France Inter, il a estimé que ce n’était pas « le bon moment » pour introduire une part « obligatoire » de capitalisation.

À gauche, les quatre groupes de l’Assemblée nationale ont déjà fait savoir qu’ils s’y opposaient par principe, alertant sur les risques induits par la retraite par capitalisation. « Il n’y a pas de garanties », alerte en outre l’économiste Michaël Zemmour, sur France 24 : « C’est un système dans lequel les cotisations des assurés servent à acheter des titres – des dettes d’États et des actions – qui vont constituer au fil du temps un capital pour leur retraite future. Les systèmes par capitalisation ont quasiment tous fait faillite dans la première moitié du XXe siècle en raison des guerres et de la crise financière. »

Les mêmes « contraintes démographiques »

Dans une tribune publiée sur le site du Monde, les économistes Jean-Marie Harribey, Pierre Khalfa et Christiane Marty démontent également les principaux arguments avancés par les partisans de ce système de retraite, comme la promesse de vieux jours plus prospères : « Les partisans de la capitalisation arguent que le rendement de la capitalisation est supérieur sur le long terme à celui du système par répartition. Mais, dans ce long terme, les malheureux retraités ont le temps d’être ruinés à plusieurs reprises par la récurrence des crises financières, grandes ou petites. »

Quant au vieillissement de la population, qui rendrait inapplicable le seul système par répartition, les économistes répondent : « La retraite par capitalisation resterait soumise aux mêmes contraintes démographiques que celle par répartitionParce que ce sont toujours les actifs qui font vivre les inactifs. Au moment de la liquidation des contrats, la compagnie d’assurances ou le fonds de pension doivent trouver de nouveaux contractants pour pouvoir verser les pensions, et ceux-ci seraient les travailleurs du moment. En un mot, seul le travail ajoute de la valeur à partager. » Ce que la droite vend comme une solution inexorable ressemble plutôt à du dogmatisme, et une véritable volonté de marchandiser les retraites, sans mentionner le risque, surtout pour les plus précaires.

 

HUMANITE DU 19 06 2024

Tristan Gay et Florent LE DU

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