Au moins c’est clair : après le discours de Macron jetant quelques miettes aux gilets jaunes, 24 heures plus tard, Wauquiez les a appelés à ne pas manifester samedi prochain.
“On ne construira rien sur des décombres, on ne peut pas construire sur le chaos...” a-t-il déclaré, évitant de commenter le contenu du discours présidentiel qui n’a pas répondu aux attentes du mouvement spontané qui a surgi dans le paysage politique au point d’ébranler le pouvoir et de le faire reculer pour la première fois.
Wauquiez avait même enfilé le fameux gilet jaune, ce dont il ne se rappelait plus devant les caméras(?), séquence assez croustillante, lorsqu’il était venu leur témoigner son…soutien !
Qui, d’ailleurs, ne leur a pas dit toute la sympathie que ce mouvement leur inspirait ? Du moment qu’il se dressait contre le pouvoir d’un jeune chef d’Etat qui avait réussi le tour de force de faire éclater les deux grandes formations traditionnelles pourtant acquises au libéralisme et qui se retrouvaient, pour partie, ensemble dans LREM “ni droite-ni gauche” tout en s’autoproclamant “progressiste” !!
Pris à son propre piège le pouvoir s’est employé à accélérer la désintégration de notre modèle social pour le livrer au privé, histoire de réduire les services publics et de permettre aux actionnaires d’accumuler des profits insolents…Tout en infligeant l’austérité au peuple, c’est-à-dire en faisant les poches des classes populaires les plus défavorisées et même des catégories sociales juste au-dessus des revenus médians dont le pouvoir d’achat s’érode.
Voilà qui laissait peu de place à la droite (LR-centristes) morcelée et aiguillonée par le RN.
Elle se divisait et perdait les législatives et donc l’assemblée nationale. Idem du PS et de la gauche.
Wauquiez incarne l’aile la plus à droite des LR qui ne veut pas être en reste sur les thèmes qui ont si bien réussi au RN : les migrants, l’immigration, l’identité, l’islam, la sécurité…Sur le social il est beaucoup plus prudent, et même au moins aussi conservateur que Macron, si on n’en juge par ce qu’était le programme de Fillon (ou des autres candidats LR à la primaire) (1)
Désormais, il pousse pour l’abandon de la lutte des gilets jaunes sous l’hypocrite prétexte des violences qui se sont produites lors des manifestations et pas seulement à Paris. Les gilets jaunes n’ont pas levé le drapeau blanc et même si des courants de pensées diverses, voire contradictoires, les traversent, ils laissent plutôt entendre le contraire. Il n’y a pas de porte-parole unique, ni de structures…ils y pensent et certains parlent d’une liste aux Européennes.
Mais ce qui se dégage, c’est qu’ils considérent ces premières concessions comme le fruit de leur lutte, de leur rassemblement informel, exclusivement. Ils pensent que le compte n’y est pas et ils ne donnent pas l’imression de vouloir rentrer chez eux, comme si leur avenir était désormais assuré.
Ils sont les premiers à ne pas souhaiter la violence -ils la subissent quotidiennement- mais de là à ne plus pouvoir manifester sous prétexte que des débordements peuvent se produire ou que, le plus fréquemment, des individus qui n’ont rien à voir avec les gilets jaunes en profitent pour piller, cela relève du travail des forces de sécurité et des ordres qu’elles reçoivent pour ne pas confondre contrôle, sécurité et provocations comme cela s’est révélé.
Les gilets jaunes ne peuvent pas être tenus pour responsables des comportements qui nuisent à leur cause (y compris avec un gilet jaune), comme on le dirait de tous les manifestants.es agissant dans un cadre légal pour exprimer leurs revendications. Sinon il n’y a plus qu’à instaurer l’état d’urgence permanent ? Mais alors on n’est plus en République si on ne peut plus en contester les pratiques, voire les dérives.
La ficelle de Wauquiez est un peu grosse. Il est vrai qu’au lendemain de l’intervention de Macron, un sondage évaluait à 58% l’électorat des LR qui avait apprécié sa prestation alors que 71% soutenaient les gilets jaunes trois emaines plus tôt. Ceci explique sans doute cela. Dans le Var, de nombreux élus de droite ont déploré la tournure violente prise dans un certain nombre de circonstances, bien que globalement le Var ne s’est pas signalé par sa violence mais par sa mobilisition.
Comme par une heureuse coïncidence, le géant Total (2) vient, lui aussi, au secours de Macron en annonçant, mardi 11 au soir qu’en raison de ses bons résultats 2018, il allait augmenter les salaires de 3,1% en France et verser une prime de 1500 euros ! Quand on vous disait que Macron avait de l’influence chez les grands du CAC40. Orange annonce un geste, d’autres aussi…Tiens, tiens. Avant ils n’y pensaient pas ?
Merci qui ? Macron ? Pas du tout...Merci les gilets jaunes, sans votre lutte, il n’y aurait pas eu ces augmentations. Elles ne sont pas tombées du ciel. Elles montrent au contraire tout le cynisme des grands patrons venus au secours de ceux qui leur font gagner tant d’argent sur le dos des contribuables et qui, au bon moment, viennent, opportunément frapper l’opinion et tenter de mettre un coup d’arrêt à la lutte grâce à laquelle le “miracle” s’est produit, à la veille de Noël qui plus est !
Hélas tout le monde n’en profitera pas. Mais quelle démonstration de la puissance financière de ces multinationales et de la masse d’argent qu’elles détiennent…grâce notamment aux privilèges fiscaux que leur octroie Macron, après tous les autres présidents. Il garde le cap et continue de pratiquer l’austérité, pour la France d’en-bas seulement !
Comme quoi…la lutte paie. Et si tous les exploités, les humiliés se donnaient la main ?
René Fredon
(1) https://www.lemonde.fr/personnalite/francois-fillon/programme/