Après l’acte V dont le pouvoir ainsi qu’une partie de la classe politique à droite se sont employés à dissuader la mobilisation, on ne peut que constater une présence moins nombreuse à Paris et dans les grandes villes mais la même volonté de poursuivre la pression sur le terrain pour que les premières concessions obtenues de Macron se traduisent par des acquis plus substantiels.

Au demeurant il était prévisible que, portant cette saine colère populaire,  des participants s’interrogent sur l’opportunité de faire une pause. Compte tenu des circonstances (attentat de Strasbourg), de surcroît. Ils y étaient fortement encouragés par le positionnement d’élus locaux ou nationaux qui jusqu’à présent les soutenaient ou en donnaient l’impression. Ou encore les décideurs économiques, comme les responsables des zones d’activités du Var qui voyaient dans ces rassemblements des “prises d’otages”.

Dans le Var comme ailleurs, au prétexte de la violence, outre LREM, côté LR, après Wauquiez, Ciotti, Muselier, Giran…des maires ont pris le relai, pour appeler les Gilets jaunes à se montrer “raisonnables” et à stopper leurs manifestations, comme si ces femmes et ces hommes, quotidiennement aux ronds-points pour rencontrer des gens -toujours majoritairement gagnés à leur cause- témoigner de leur angoisse du lendemain et donc du bien-fondé de leur combat, n’avaient pas de bonnes raisons d’y être.

Ils ont remporté une première victoire à laquelle manifestement le chef de l’Etat ne s’attendait pas du tout. Et, la mort dans l’âme, il a dû faire un certain nombre d’annonces qu’il croyait de nature à stopper le mouvement. Quitte à désavouer le premier ministre. C’est  tout le pouvoir et sa majorité qui se trouvent déstabilisés.

Il s’est rapidement dégagé du mouvement que les acquis étaient bien maigres et leur perennité très relative, trop sélective en même temps qu’imprécise, voire incertaine. Pour beaucoup “c’est de l’enfumage qu’on nous fait”.

Ils veulent un pouvoir d’achat digne de ce nom d’autant plus relevé pour les plus précaires, à commencer par le SMIC dont l’augmentation de 100 euros (pour la moitié d’entre eux) financée par la prime d’activité est jugée très insuffisante, une annulation, certes, de l’augmentation des taxes sur les carburants et énergies, mais pas de rétablissement de l’ISF (symbole de l’injustice fiscale) et de remise à plat de toute la politique fiscale et sociale.

Ils y ajoutent une réforme des institutions, avec notamment l’adoption d’un Référendum d’Initiatives Citoyennes (RIC) qui permettrait de donner la parole au peuple sur des questions dont il aurait la possibilité de faire débattre. Alors que nous subissons une caricature de démocratie participative. Et que la parole s’est soudain libérée.

Les modalités du débat annoncé sans aucun tabou ne sont pas encore au point. Elles sont prévues à l’échelle nationale, départementale et locale, si l’on a bien compris et risquent d’être longues. On imagine très bien le pouvoir espérer désamorcer la colère et diviser un mouvement forcément traversé de courants de pensée très divers mais représentatifs des profondeurs d’un peuple qui ne veut plus subir l’humiliation d’une vie de privations pendant que d’autres étalent leur indécente richesse en même temps que leur arrogance.

On a assisté à une tentative d’entraîner le mouvement -y compris de l’intérieur- sur le terrain glissant des Migrants à la faveur du traité de Marrakech (1) adopté ces derniers jours et “interprété” par le RN et les LR, comme une machine de guerre favorisant l’afflux massif de réfugiés partout,  “une vente de la France à l’ONU“. Ces politiciens ne reculent devant aucune manipulation. Cela dit, il n’y a pas de sujet tabou.

Le député européen EELV, José Bové, a surpris son monde à Fréjus le 1er décembre, en ne soutenant pas les gilets jaunes, “incohérents et en passe d’être récupérés par les partis populistes de droite comme de gauche…”, lui qui avait saccagé le Mac Do de Millau ! Il a même osé dire “qu’aujourd’hui avec un SMIC on peut acheter deux fois plus d’essence qu’il y a 20 ans…!” Il y voit “un mouvement d’un grand individualisme !”Il s’est attiré les foudres des Verts varois qui ont pris leurs distances avec le député européen devenu très “sage”.

A ceux qui parfois, à gauche, se demandent si cette intrusion des Gilets jaunes dans le paysage revendicatif pourrait nuire au mouvement social et politique, vu sa volonté d’indépendance à l’égard de tout parti, syndicat ou association, on peut avancer que, si cette irruption interroge, elle n’en est pas moins l’expression d’une lutte de classes -en toute objectivité- car elle procède bien des profondeurs du peuple et s’attaque bien aux privilèges de la minorité qui tient les cordons de la bourse, pouvoir politique compris !

Est-ce que cela suffira à changer le rapport des forces en faveur des intérêts populaires et à en faire le socle d’une alternative progressiste aux politiques libérales qui échouent partout dans le monde ? Priorité aux 1% les plus riches, aux actionnaires, au rendement du capital qui nous coûte un pognon de dingue !

Le temps n’est pas aux pronostics mais aux convergences  toutes les forces qui ont très souvent les mêmes objectifs sur le plan social, fiscal, écologique, démocratique…qui se heurtent au fétichisme du marché et à la finalité du système capitaliste en crise profonde.

Que les Gilets jaunes se structurent ou pas, tous les acteurs du mouvement citoyen ne seront pas trop pour additionner leurs forces et tirer dans le même sens, chacun avec sa spécificité, sa dynamique, ses propositions…avec l’humain et la planète au coeur, pas la finance !

 

 

René Fredon

 

 

(1)https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/10/que-contient-ou-non-le-pacte-sur-l-immigration-de-marrakech_5395440_43557

 

Gilets jaunes :   toujours aussi déterminés !

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