Nous avons attendu quinze jours, dans une relative indifférence, que le chef de l’Etat réagisse à la démission de deux ministres d’Etat (Hulot puis Collomb) en même temps qu’éclatait l’affaire Benalla qui l’implique directement. Ce n’était pas prévu au programme. D’autant qu’un fort mouvement de contestation s’était levé contre les premières grandes régressions sociales qui, elles, étaient bien au programme. Et que la popularité de Macron s’effrite jusqu’à descendre sous la barre des 30% de satisfaits.
Il aura pris son temps pour réajuster les rapports de force internes de la Macronie en s’assurant notamment de la succession de Collomb à l’Intérieur, confié à un fidèle parmi les fidèles issu lui aussi du PS, Castaner qui s’était porté volontaire dès la vacation du poste.
Comme il l’a déclaré hier soir, très solennel, devant toutes les télés qui attendaient sa déclaration comme une délivrance, il n’était aucunement question de modifier le cap. Ce qui n’était pas un scoop. “Le gouvernement est sur la bonne voie…il faut poursuivre les transformations en cours…ça ne se fera pas en un jour… Il y a des décisions historiques à venir…De nouveaux désordres apparaissent…”
Il a voulu rassurer sa majorité et, si possible le pays, qu’il tenait toujours ferme la barre du bateau France, naviguant dans des eaux tumultueuses à l’intérieur comme à l’extérieur, tant les politiques libérales d’austérité suscitent de déceptions et de colères populaires en France et au-delà.
Mécontentements en partie récupérés par une extrême-droite qui se veut encore plus radicale et nationaliste, raciste et xénophobe dont l’influence s’accroît partout. Quel bilan depuis que Reegan et Thatcher ont proclamé qu'”il n’y avait pas d’alternative au libéralisme” ! Macron incarne cette idéologie dépassée car elle fait faillite et débouche sur une droitisation extrême de la politique et de la fuite en avant vers le pire.
Commentateurs, experts, politologues monopolisant les plateaux se repassaient le sel en spéculant sur l’ampleur des changements de postes, leur signification, leur dosage, leur impact dans l’opinion….sans trop y croire pour certains qui y voient surtout une tentative de communication plus convaincante de la nouvelle équipe. Cheval de bataille de Macron, une fois balayée la question du dialogue qu’il conçoit comme une mise en oeuvre des modalités d’application de ce qui est déjà décidé au sommet de l’Etat.
C’est ainsi qu’il compte “éradiquer la pauvreté” alors que le refus de la misère passe par la lutte contre les inégalités. Il vide de sa substance notre modèle social, nos services publics qu’il prétend sauvegarder. Le dossier des retraites “unifiées”s’avère explosif, celui des privatisations inquiète sérieusement, le CICE (20 Mds par an) inefficace se voit pérennisé sous forme de réduction fiscale permanente…Mais la France tient la tête mondiale pour le rendement des dividendes.
La désindustrialisation se poursuit, le chômage persiste à un haut niveau, très haut dans les quartiers sensibles tandis que les très riches se frottent les mains et que le pouvoir d’achat régresse dans les catégories sociales défavorisées et moyennes.
La planète brûle mais il défend le même système productiviste et consumériste à outrance, seul responsable des pollutions à grande échelle et de la sur-exploitation des ressources pour le seul profit des actionnaires dont les fondés de pouvoir nous gouvernent. Il nous annonce des mesures cosmétiques pour sauver la face mais sûrement pas la planète. Total va pouvoir massacrer l’Amazonie la conscience tranquille et on photographiera les équipes bénévoles qui ramassent plastiques et mégots sur nos plages !
Peu de chance qu’un tel discours, une telle situation cristallisant les doutes et les saines colères suscitent l’enthousiasme, sauf dans les cercles du pouvoir au bord de l’essouflement.
Cela ne peut que renforcer le mouvement social qui ne manque pas de grain à moudre.
René Fredon