Parmi les très fâcheuses conséquences de la crise sanitaire et des crises économiques et sociales imbriquées, le secteur des croisières est particulièrement touché, compte tenu des “galères” qu’ont vécues les passagers de certains, bloqués des jours et des semaines entières sans qu’un port n’accepte de les débarquer, la proximité à bord, véritable confinement, ayant favorisé la transmission du corona-virus.
Ce, au moment où les villes portuaires, comme les autres, étaient en confinement et leurs hôpitaux au bord de la saturation, il n’était pas simple d’isoler un “cluster” venue de la mer, sans risquer d’aggraver la situation globale à terre, pas toujours maîtrisée si ce n’est au prix de l’engagement extrême des soignants, en premier.
Du coup, les croisières au long cours ont été interrompues, les escales annulées pour plusieurs mois encore et les paquebots immobilisés dans les ports…tout en continuant à polluer l’air et l’eau, car il faut bien que les personnels d’entretien travaillent et vivent à bord. Cela depuis plusieurs semaines et pour un temps indéterminé. Ils sont trois dans la rade de Toulon à attendre le déconfinement général et définitif, manifestement pas à l’ordre du jour…
A propos de pollution de l’air, le conseil d’Etat vient de mettre le gouvernement sous astreinte exécutoire d’une amende de 10 millions d’euros pour non-exécution d’une décision du juge administratif relative à la pollution de l’air et à ses conséquences pour la santé publique, estimées entre 48 000 à 67 000 décès prématurés par an.
Il s’agit de non-respect de la directive européenne de…2008 concernant le retour aux normes de la pollution de l’air dans 13 zones du territoire français dont celle de Marseille-Aix, en matière de concentration de dioxyde d’azote et de particules fines. (1)
Les croisières intra-françaises auraient reçu l’autorisation in-extrêmis de naviguer dans les eaux territoriales, ce qu’avait anticipé la compagnie Ponant qui propose sur ces grands yachts (250 passagers, petits en taille comparés aux paquebots-villes flottantes qui en accueillent plusieurs milliers) 5 destinations sur les côtes françaises au départ de Marseille, Nice pour la “modique” somme de 2 500 à 3 000 euros les six jours par personne ! Du grand luxe, en effet ? Sécurité sanitaire maximum…équipe médicale et hôpital embarqué…tant qu’à faire. Et puis on ne quitte pas les côtes françaises.
C’est pour pouvoir accueillir les très grands paquebots et les yachts de luxe que TPM s’est engagé dans l’aménagement du Port de Toulon aux frais des contribuables. Dans le but de faire de la préfecture maritime qui accueille et entretient la flotte militaire de la Méditerranée, un grand port de haute plaisance qui veut atteindre “la cour des grands” !
Un aménagement qui vise aussi toute une partie de la ville et du quartier du Mourillon dont les habitants sont inquiets, tant de ce que va devenir le domaine public de Mayol à Pipady en même temps que l’accueil de très grands navires, plus nombreux, plus souvent à quai en termes de pollutions de tous ordres.
Falco a fait du forcing pour faire adopter son projet juste avant les élections qui lui ont fort bien réussi. Mais le secteur des croisières en particulier traverse une période pour le moins très difficile, non pas conjoncturellement mais structurellement, à l’image du secteur de l’aviation. Si bien que le président de TPM semble prendre du recul, vu les circonstances, sur le devenir de cet aménagement resté en suspens ces six derniers mois et qu’il prévoit de réexaminer à la rentrée à la lumière de l’évolution du marché des croisières et des urgences économiques qui grèvent lourdement les budgets des collectivités territoriales.
Les deux secteurs -maritime et terrestre- doivent faire face à l’impact écologique de leurs activités fortement émettrices de gaz à effet de serre et autres, en marche comme en escales…nécessitant des adaptations urgentes de leurs modes de propulsion et de consommation énergétique. Ce qui implique de cesser d’avoir l’œil rivé sur le cadran des profits et de la croissance la plus forte, par la progression en passagers traduite en chiffres d’affaires et en profits à se partager. (2)
Modes de vie et mode de production en question
Ce n’est donc pas qu’un mauvais moment à passer mais une nécessité de long terme si l’on veut vraiment s’engager dans la transition écologique dont dépend l’avenir immédiat de la planète et la place des hommes dans une économie fondée sur la sobriété, l’usage d’énergies et de produits compatibles avec le respect de notre environnement au sens large. Donc l’arrêt progressif mais concret des autres usages de produits nocifs (plastiques, pesticides etc…), le traitement des déchets, pas les décharges sauvages, les rejets des usines, liquides et gazeux, les conditions d’hygiène et de sécurité au travail, les pollutions du quotidien…tout se tient.
Il ne s’agit pas de consommer moins, mais mieux et…tous. Des pans entiers de la population ne disposent pas des moyens de bien se nourrir, se loger et accéder aux biens communs, faute de ressources liées souvent au manque de travail alors qu’il y a tant à faire pour faire reculer la pauvreté, les inégalités, l’égal accès aux études, à la culture, aux loisirs…Cela créerait des emplois, beaucoup même, pour une autre visée sociale et humaniste.
Il a bien fallu admettre, au pays de l’aviation, que 460 aérodromes et 120 aéroports, ça faisait beaucoup et que ça n’était plus gérable pour les collectivités locales qui devaient pallier les déficits, chaque région voire département, voulant “son” aérodrome. Le Var en a trois dont un voué à d’autres activités mécaniques, également polluantes…
Ce 14 juillet Macron a confirmé qu’il serait cohérent de nous passer de l’avion dans les liaisons internes inférieures à deux heures et demi de train, pour économies d’énergies ! C’est un commencement. Il a aussi reconnu la nécessité de développer le réseau ferré pour le fret et les passagers, parlant même de rouvrir les lignes qui ont été fermées ! Ralliement à l’écologie ou effet d’annonces pour le laisser croire ? L’avenir le dira. Seuls les actes comptent, avec leur financement.
A l’échelle locale la question de la gratuité des transports collectifs se pose, comme incitation aux économies d’énergies polluantes. Comme de multiplier les pistes cyclables et les zones piétonnes…Comme, sur un autre plan, de susciter et d’aider au financement de la vie socio-éducative, sportive, culturelle dans les cités populaires. C’est bon pour la sécurité de tous, le vivre-ensemble et l’épanouissement individuel.
La nécessité s’impose de revoir cet aménagement à but spéculatif prévu autour du port, dédié aux croisières et aux yachts de luxe pour attirer les badauds et faire travailler les bars. Il est toujours temps de réduire la voilure et de ne plus avoir le complexe de la grenouille de la fable qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf !
Avec la perte de la liaison avec la Turquie, l’arrêt des croisières pour de longs mois montrent que c’est plutôt dans les liaisons régulières avec des ports de la méditerranée (passagers et marchandises) que nous pouvons le mieux développer les activités portuaires tout en accueillant la plaisance traditionnelle dans de meilleures conditions.
Voilà qui va donner de l’occupation au nouveau vice-président de TPM, Jean-Pierre Colin, 1er adjoint à La Seyne et conseiller régional qui se voit attribuer “la vice présidence exécutive du conseil d’exploitation des ports de la métropole” autrement dit le suivi permanent des ports et de tout ce qui s’y passe, à la place du président Falco…qu’il ne manquera pas de consulter, cela va de soi.
On aimerait lui poser deux questions :1/ savoir quelles incidences sur le projet initial aura cette interruption d’activités, due à la pandémie ? 2/ Pourquoi persister à viser le très haut de gamme et à le faire financer par les fonds publics ?
N’est-ce pas par la recherche d’activités industrielles et d’emplois productifs et de service qu’on développera l’économie du bassin, son attraction, ses atouts touristiques nombreux, l’ensemble de son patrimoine ?
D’autant plus urgent que des menaces sérieuses pèsent sur CNIM et ses 1 200 salariés, depuis de longs mois. Apparemment TPM ne paraît pas très concerné par les derniers développements devant le tribunal de commerce de Paris, présentés comme un …”sauvetage”, un prêt de 35 millions à 6% à rembourser en un an ! Alors que les banques empruntent à 0% ! FO et CGT de CNIM y voient un simulacre qui prépare la “découpe” de l’entreprise aux mains des banques.
Pendant la campagne et après, Mrs. Falco et Colin, Mme Bicais, se sont fait discrets sur le coup dur qui frappe l’industrie locale. Ce sont les communistes qui ont alerté l’opinion et continuent de le faire.
Falco n’aura plus de contradicteurs pour soulever ce genre de problème : à la métropole, toutes les communes sont désormais de la même couleur, la couleur de l’argent.
René Fredon