Visite surprise mardi 4 août, le président de la République en vacances à Brégançon, est venu passer quelques heures à Toulon en fin de matinée en compagnie du maire avec lequel il a déjeuné.

Si aucune annonce n’avait été faite, rien n’avait été laissé au hasard. Macron qui a confié les rênes à Castex pour préparer 2022, a laissé son premier ministre “de combat” et les nouveaux minictres occuper l’espace médiatique, ce qu’ils font abondamment, relayés par les chaînes publiques et privées qui ne ménagent pas leur…disponibilité et leur bienveillance, à fort peu d’exceptions près.

Macron a tenu à rappeler que, même en vacances, il est aussi sur le terrain et qu’il se charge des annonces. A Toulon, accompagné de deux ministres Sophie Cluzel et Sophie Bourguignon et d’Hubert Falco, il était venu parler de la dépendance, après avoir pris quelques bains de foule autour du Lavandou. Avec deux objectifs : rendre hommage aux auxiliaires de vie sociale qui interviennent en EPHAD  ou au domicile  des personnes âgées ou/et handicapées, et faire passer son projet de 5è risque, véritable traquenard comme la retraite à points.

Ces auxiliaires de vie, essentiellement des femmes ont effectivement, comme les soignants.es de nos hôpitaux ont “tout donné” pendant la crise sanitaire dont il ne faut pas parler au passé. Le conseil scientifique attire notre attention sur la probabilité d’une seconde vague à la rentrée, les auxiliaires de vie n’avaient guère obtenu de récompenses sonnantes et trébuchantes.

Le Chef de l’Etat leur a rendu hommage pour “leur rôle essentiel pendant la pandémie”, leur annonçant une enveloppe de 160 millions sensée “mieux reconnaître les métiers  de l’aide à domicile, de valoriser les carrières et de redonner de l’attraction à ces métiers.”Toujours bon à prendre. Mais à quand la révision de la grille des salaires ?

De plus, si l’on fait la division : 160 millions répartis entre 320 000 auxiliaires de vie, cela fait une prime de…500 euros en moyenne, donc moins pour les plus petits salaires. Chacun ne se souvient pas forcément que les auxiliaires de vie, payées le plus souvent au SMIC (10,15 euros au 1/1/20), peuvent intervenir deux ou trois fois par jour, à partir du matin très tôt et revenir jusqu’à très tard le soir pour un salaire de 10 à 11 euros, bruts de l’heure. Soit pour 35 h/semaine : 1539,42 bruts, 1200 à 1300 nets ! Une misère dont la réparation n’est pas à l’ordre du jour du gouvernement.

Ces auxiliaires sont notoirement insuffisantes aussi bien en EPHAD qu’à domicile. Evidemment les invités.es ne l’ont pas repris. Macron concluant par ces fortes paroles : “ce dont on parle c’est ….d’humanité, de cette fraternité qui est au coeur de la nation.” Parlons-en.

Prise en charge de la dépendance oui. Publique ou privée ?

 C’est toute la question et c’est ce que cherche à masquer Macron. Qu’il nous explique pourquoi une 5è branche alors que la sécurité sociale a été crée pour “faire face aux aléas de la naissance à la mort” ?

L’aide à l’autonomie fait donc naturellement partie des quatre branches de la sécu (maladie, famille, accidents, retraite). La notion de 5è risque ne date pas de Macron. Sarkozy y avait pensé en 2008, proposant un projet de loi spécifique sur la dépendance, du fait de la progression du nombre de personnes dépendantes Il pensait déjà à un financement qui ne relevait pas que de la solidarité nationale.

En mars 2008, Hubert Falco avait réintégré le gouvernement comme secrétaire d’Etat à l’amènagement du territoire, R. Bachelot était ministre de la santé. En recevant Macron, ce mardi, il a eu des paroles fort chaleureuses à propos du même projet de loi : “on l’a souhaité depuis des années…”. En effet, Macron n’avait pas choisi Toulon au hasard pour faire avancer un projet cher à son hôte.

Car ce qu’il s’efforce de dissimuler -comme pour les retraites- c’est que ce projet est conçu pour sortir du financement de la seule sécurité sociale. Car il oblige chacun, dès 50 ans à souscrire une assurance privée “perte d’autonomie” qui va s’ajouter aux complémentaires grevées des non-remboursements de la sécurité sociale que la droite n’a cessé d’imposer.

Il offre, de fait, la dépendance au privé, ce qui constitue un déni de solidarité, d’égalité et de fraternité, les gestionnaires d’EPHAD, Korian, Orpéa.., les banques et assurances…se frottent les mains. La CGT, Sud-solidaires, la FSU sont vent debout contre ce projet. FO également se prononce pour l’intégration dans la branche maladie.

L’argument fallacieux de tous les gouvernements libéraux, c’est qu’on vit plus longtemps, donc on doit travailler plus longtemps et mettre la main à la poche pour se faire une “bonne” retraite et une “bonne” protection sociale complémentaire ! Et même accepter de baisser son salaire pour éviter trop de licenciements, par les temps qui courent ?? Il n’est jamais question de prélever sur les énormes profits des multinationales et de leurs actionnaires, de donner des droits aux salariés sur la répartition des richesses qu’ils produisent. Pardi, les gouvernements sont au service des actionnaires.

Pour le PCF, l’autonomisation de la personne humaine est un objectif social central de nos sociétés développées. Il s’inscrit dans le cadre de la solidarité et vise l’objectif d’hommes libres et égaux en société, capables de se choisir individuellement et collectivement un avenir respectueux de la dignité de chacun, suivant les principes de la Sécurité sociale de 1946 tout en les renouvelant et les réformant en profondeur, avec la prise en charge de ce nouveau besoin qu’est la perte d’autonomie”.

Quant à l’honorable octogénaire du Pont-du-Las qui a accepté de recevoir au pied-levé le président de la République, on peut comprendre son émotion. D’autant qu’elle était en admiration devant Macron, lui trouvant toutes les qualités et n’ayant rien à lui demander. A croire que les services de Falco ne l’avaient pas tirée au sort. Ne lui gâchons pas son bonheur : recevoir chez elle le président de la République et voir la séquence à la télé dans la foulée et encore le soir : un évènement bien réel dans la vie de cette Toulonnaise.

Ajoutons-y la rencontre, l’après-midi, au commissariat du ministre de l’Intérieur, G. Darmanin, en assez fâcheuse situation de relance d’une plainte pour viol, venu, lui aussi, annoncer des moyens supplémentaires, en présence du maire et du directeur département de la sécurité, à savoir 10 policiers affectés à la rentrée et la création d’un “quartier de reconquête républicaine” (?) qui traduit bien le relâchement des gouvernements sur le mal-être dans nos cités qui ne tient pas qu’à des questions de trafics de drogues mais à l’approfondissement de la situation économique et sociale des habitants trop souvent stigmatisés pour leurs origines ethniques.

On s’y abstient plus qu’ailleurs peut-être mais c’est toute la société française qui se détourne des urnes…républicaines et se méfient des “élites” qui les comprennent si mal. Le seul aspect répressif ne saurait suffire. D’autant que ce sont encore ces populations les plus paupérisées qui sont les plus vulnérables aux conséquences du covid-19. Le mal est plus profond et le fossé des inégalités risque fort de se creuser si l’on en croit les prévisions et les annonces de licenciements et de faillites d’entreprises.

Le tour de piste est terminé. La rentrée scolaire ne pourra pas être “normale” et le pouvoir ne peut tout mettre sur le dos de “la crise sanitaire”. Il ne peut y ajouter les lourds dossiers des retraites, de l’assurance-chômage, du 5è risque…massivement rejetés notamment.

Des mobilisations se préparent. Leur ampleur décidera de la suite pour peu que la méfiance se transforme en actions coordonnées.

 

René Fredon

 

 

 

Macron en campagne à Toulon