Dans son livre “Tout peut changer” paru en 2015, Naomi Klein, journaliste canadienne engagée dans la lutte contre le changement climatique  parvenu à un niveau des plus préoccupants, résume sa démarche par cette phrase : “la vérité qui dérange ne tient pas aux gaz à effets de serre, la voici : notre modèle économique est en guerre contre la vie sur terre…

…On nous a dit que le marché allait nous sauver alors que notre dépendance au profit et à la croissance nous fait sombrer chaque jour davantage.

On nous a dit qu’il était impossible de sortir des combustibles fossiles alors que nous savons comment nous y prendre : il suffit d’enfreindre toutes les règles du libre marché : brider le pouvoir des entreprises, reconstruire nos économies locales et refonder nos démocraties...”

Elle lançe “un appel au réveil civilisationnel” qui passe par la remise en cause du système économique dominant la planète, directement responsable des conséquences de ses orientations économiques et politiques qui nous ont menés là où nous en sommes.

C’était avant le covid-19 et la crise sanitaire qui ont fait, à fin juillet, plus de 600 000 victimes dans le monde, très majoritairement concentrées dans les grand pays occidentaux représentés au G20 (Etats-Unis, Brésil, Royaume-Uni, Mexique, Italie, France, Espagne…). Le classement mondial des décès, par million d’habitants, place six pays d’Europe en tête : la Belgique, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, la Suède et la France, avant les Etats-Unis qui concentrent le plus grand nombre de victimes, avec à sa tête un président climato-sceptique qui a retiré son pays de l’accord de Paris, puis récement de l’OMS et déclare la guerre commerciale contre la Chine.(2)

La pandémie est très loin d’être maîtrisée, en l’absence de tout vaccin et traitement approprié, elle a également révélé l’extrême fragilité de nos systèmes de santé.

 

La reprise de l’activité, dans la plupart des pays les plus atteints, après de longs mois de confinement, s’avère à hauts risques. L’activité du virus est bien réelle, à la faveur du relachement estival et des mesures de prévention non respectées,lors de grands rassemblements notamment. D’où l’obligation du port du masque rendue obligatoire en France dans tous les lieux clos et le reconfinement ciblé envisagé si besoin.

 

Pour les dirigeants des pays majoritairement acquis au “libéralisme” bien mal nommé, cette crise s’ajoute et décuple les effets des crises économiques et sociales concomittantes. Selon eux, elles n’auraient aucun rapport avec la politique ! Juste de la gestion technique dans le cadre du même système que l’on ne saurait mettre en cause. Ils en sont les gardiens.

Ainsi les meilleurs pompiers -après avoir été les meilleurs pyromanes- nous sauveraient de la crise en ne renonçant pas à leurs politiques d’austérité, certes un peu contrariées mais nullement abandonnées, loin s’en faut.

Macron revient triomphant de Bruxelles où les 27 pays ont bien failli se quitter sur un “clash” après un désaccord persistant au sujet du plan de relance de 750 euros concocté par le président français français et la chancelière allemande. Des pays nordiques demandaient plus de prêts et moins de subventions. Le couple franco-allemand proposait 500 mds de subventions et 250 de prêts. 4 jours et 4 nuits plus tard, “l’accord salvateur” s’est fait sur 390 de subventions et 360 de prêts.

 

Sinon c’était l’explosion de la zone euro et de l’UE ! Pas de quoi triompher, vraiment. Sans compter que la somme elle-même ne fait pas le compte, le parlement européen tablait sur…2 000 mds. Les marchés financiers vont peser un peu plus sur les Etats, de plus en plus surveillés et de moins en moins indépendants.  Bonjour la solidarité et l’efficacité ! Les nordiques ont gagné…un rabais sur leur contribution, supérieure à l’aide qu’ils attendent !

Macron essaie d’en profiter pour faire remonter sa cote d’impopularité et donner l’impression que l’Europe est unie pour le bien des peuples : qui peut y croire ?

 

On y continue à extraire les énergies fossiles, en passant des accords avec les entreprises qui prévoient qu’elles peuvent attaquer des Etats qui s’opposeraient à elles, puissantes donneuses d’ordre sur tous les continents. Ainsi du pétrole issu des sables bitumeux, des forages en eaux profondes pour en extraire le gaz, du charbon venant des montagnes.

Il ne suffit pas d’adopter une posture très “verte”, c’est dans l’air du temps, pour mieux prouver la bonne volonté des gouvernants, des grandes entreprises et des très riches, “prêts à faire un effort” pour mieux respecter la planète mais les mêmes ajoutent qu’ils n’adhérent pas à la “décroissance verte”. Comme si remettre en cause les critères qui composent le PIB ou la croissance indépendamment de son impact écologique, relevait du sacrilège ?

Ce qu’illustre, par exemple, le discours de Castex, porte-voix de Macron “qui ne change pas de cap …mais de chemin”, comme les bâteaux, qui selon le temps, doivent plus ou moins zigzaguer pour rejoindre le port. Il est même prêt à quelques concessions de calendrier, comme il vient de le faire pour les retraites et l’assurance-chômage, pour montrer son sens du dialogue (?) mais sans rien lacher sur le fond. Comme l’illustre “l’accord” en trompe-l’oeil du Ségur de la santé.

Ce qui est clair, c’est que pour affronter la crise actuelle dont la profondeur et la durée s’annoncent exceptionnelles, il vaut mieux être riche que pauvre ! Dans le capitalisme c’est une donnée fondamentale qui tend, de plus en plus, à diviser les sociétés car ce hochet fonctionne comme la poule aux oeufs d’or qu’il ne faut surtout pas tuer.

C’est même l’argument suprême : faire croire aux gens qu’ils peuvent s’enrichir dans ce système “libéral”. La preuve : des riches existent…qui sont partis de rien ! Et ainsi, ils mettent le curseur sur l’argent, encore l’argent, toujours l’argent…Ils se refusent à admettre que si les très riches le sont encore plus, indéniablement, la masse du peuple, soit 85% au moins, voit sa situation se dégrader, se précariser jusqu’à toucher le fond, pour des millions de laissés-pour-compte, au-dessous du seuil de pauvreté, sans aucun revenu pour les “sans !

Comment peut-on justifier, au XXIè siècle, avec les progrès technologiques extraordinaires de ces dernières décennies, à l’ère numérique et du télé-travail, que l’on nous  propose de travailler plus et plus longtemps, tout en n’assurant pas le travail et les revenus de tous ? Il suffirait de réduire la durée hebdomadaire et les annuités donnant droit à une retraite digne ?

Hola, jeune homme, où prendrez-vous l’argent ? Endettement, déficits maîtrisés et contributions du capital, patrimoines et revenus…dîtes-vous ? Mais c’est la Révolution on n’en veut pas ! Comment, on n’aurait plus la liberté d’être riches ? On nous prendrait tout..!

Ces poncifs existent, parfois bien ancrés dans des têtes qui salivent devant le spectacle des très riches et des stars de première classe, du show-biz ou du sport, bardés de tunes. Non, ce n’est pas ainsi que les hommes (et les femmes) vivent aujourd’hui malgré les progrès technologiques dont ils peuvent bénéficier dans notre société dite riche et évoluée…mais qui ne vote plus, quel déclin ?

Là se rejoignent les urgences, sociales et environnementales, indissociablement liées par l’emprise du capital sur nos vies comme sur l’avenir de la planète. Et cela fait quelques siècles que ça dure.

Le temps est venu que ça cesse et qu’un autre projet de société naisse de la résistance populaire aux  régressions qui s’annoncent et aux illusions qui pointent le nez.

Des fortunes, des patrimoines…privés se sont amassés.(1) Ils ne cessent de progresser  au détriment des salarié.es mal payés, précarisés, sacrifiés car l’entreprise peut compter sur l’existence d’une main d’oeuvre moins coûteuse. Les tenants du capitalisme ont fait et font les lois en fonction de leurs  intérêts de classe car, contrairement à ce qu’ils essaient de faire croire, les classes sociales existent. Et elles sont antagonistes. Le nier est un beau cadeau fait au patronat.

Ils peuvent compter sur des syndicats et des partis poliques proches de leur philosophie et de leur vision de l’économie : la propriété privée des moyens de production et d’échange, l’économie de marché, le “libre” échange…pour assurer l’abondance et le partage (?)…pas vraiment équitable des produits du travail, très en faveur du capital, naturellement. Le chômage étant une technique opportune qui permet de faire baisser le coût de la main d’oeuvre et le nombre, selon l’intérêt exclusif du patronat.

C’est juste ça qu’il faut changer ! Sinon nous continuerons à croire à la poule aux oeufs d’or qui finalement a été tuée dans la fable.

L’enjeu de ce moment de notre histoire : résister aux fausses pistes libérales et rendre le pouvoir aux salariés.es dans l’entreprise et au peuple dans le pays ? Vaste programme mais nécessaire si on veut recréer une dynamique à gauche et construire avec le peuple une perspective progressiste qui s’en prenne aux causes profondes : le dogmatisme marchand qui pousse à la course aux profits, par le productivisme et le consumérisme exacerbés et destructeurs.

En même temps qu’il creuse les inégalités, freine le développement humain et menace à court terme l’avenir même de la planète.

 

René Fredon

 

 

(1) https://fr.statista.com/themes/3672/les-milliardaires-dans-le-monde/

 

(2) https://fr.statista.com/infographie/21819/taux-de-mortalite-coronavirus-par-pays-deces-covid-19-par-habitant/

 

Le capitalisme, obstacle à la transition sociale et écologique.