On ne dira jamais assez combien les rapports annuels de la fondation Abbé Pierre sont précieux et témoignent d’une réalité sociale qui en dit long sur le creusement des inégalités à partir de l’accès -ou non- à un logement décent et accessible dans notre pays.

Ce 25è rapport “alerte l’opinion publique sur la multiplication des atteintes au droit au logement et à l’hébergement d’urgence…Malgré certaines initiatives à encourager, le Gouvernement, trop souvent, aggrave la situation par une politique de coupes budgétaires inédites dans le domaine du logement” peut-on lire en exergue.

Suivent deux illustrations qui détaillent l’une, le montant des coupes dans les APL : 3,9 Mds d’euros depuis 2017, l’autre, la baisse de la production des logements sociaux financés en 2018 : -13% en deux ans.

Dans la première partie le rapport traite longuement de “l’urgence extrême” des personnes sans domicile, seules ou avec des enfants, privées de tout hébergement en plein hiver, soit par manque de places soit par les difficultés de tri entre sans-abri s’ajoutant à la pénurie face à une demande croissante.

Cette situation concerne de plus en plus “de personnes âgées, de jeunes en début de carrière et de parcours résidentiel, personnes migrantes, célibataires, couples séparés… Tout le monde peut vivre seul à un moment dans sa vie, comme c’est le cas désormais de 35 % des ménages en France.”

 Autant de personnes dont beaucoup en situation de grande précarité qui n’ont pas accès au parc social locatif, lui-même très insuffisant…encore moins au locatif privé dont le loyer des petits logement est encore plus cher au m2 !

L’explosion des loyers et des charges dans le parc social ajoutée à l’insuffisance du rythme de la construction dans ce secteur encadré conduit au surpeuplement et à des expulsions iniques, des coupures d’énergie…qui touchent les catégories populaires mais aussi une partie des classes moyennes.

Il est clair que la part du budget-logement, premier poste de dépenses des ménages aux ressources modestes accentue les inégalités et éloigne toute possibilité d’accession à la propriété. “Il double l’écart de niveau de vie entre les 10% des ménages les plus pauvres et les 10% des ménages les plus riches…”selon Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre.

L’une des conséquences du mal-logement, c’est qu’il renforce l’isolement et le renoncement à faire valoir des droits qui paraissent purement virtuels et aléatoires. “L’accès au logement, surtout au logement social, peut être particulièrement long et complexe, et décourageant lorsque, bien que menée avec diligence, aucune tentative n’aboutit…”

Le besoin de petits logements sociaux pour personnes isolées et petits ménages émerge dans la prise en compte du développement du parc locatif, là où il y a volonté politique, logements intégrés aux quartiers équipés de services publics et de commerces, reliant les habitants. Non pour reproduire de “grands ensembles” dépassés mais de petits collectifs au coeur des villes et villages et non à l’écart.

Les coupes opérées dans le logement social au détriment des plus pauvres et des offices HLM constituent une alerte sérieuse quant à la menace qui pèse sur cette institution sociale que sont les HLM, poussés au regroupement et à la vente de leurs logements locatifs ! Plutôt qu’au développement du parc HLM qui fait partie de notre patrimoine constitué par des fonds publics.

Comme nos retraites, il fonctionne très bien mais ne répond pas forcément aux critères financiers qui servent d’étalon à toute chose en ces temps de crise sociale profonde en France et ailleurs.

 Le plan “logement d’abord” du gouvernement pour qu’il n’y ait plus personne à la rue, expérimenté dans 23 territoires, n’a pas atteint son but, faute de moyens suffisants. Il est possible d’y remédier. Ce ne sont pas les investisseurs privés qui vont s’intéresser à la question. Mais ce sont les entreprises qui interviennent dans la production de logements sociaux et dans leur rénovation thermique à des fins d’économie et d’écologie.

Le droit au logement pour tous, abordable et décent, c’est comme le droit à la santé pour chacun ou le droit à l’éducation…c’est à l’Etat de les assurer comme priorités dans ses choix budgétaires.

Ce n’est pas vraiment dans ce sens que nous allons. Tel est le constat objectif que fait ce 25è rapport de la fondation Abbé Pierre.

René Fredon

A suivre “le mal-logement à l’épreuve des municipales” deuxième cahier du rapport de la FAP

 

 

 

 

 

 

Fondation Abbé-Pierre :Logements sociaux : le compte n’y est pas