Finies les congratulations après la tenue de la Convention-citoyenne-pour-le-climat (CCC) des 150 personnes tirées au sort pour faire des propositions au gouvernement. Avec la promesse d’un projet de loi, sur la lancée de la déclaration du chef de l’Etat qui approuvait 143 des 146 propositions formulées par la CCC.

Deux mois après, les ci-devant citoyens déplorent des annonces dissonnantes et des critiques tous azimuts de ministres qui récusent ce que Macron avait trouvé intéressant. Difficile d’évoquer le contexte : en juin on savait pertinemment qu’on n’en avait pas fini avec la covid 19 et qu’en tout état de cause on ne pouvait pas mettre sous l’éteignoir des dispositions jugées favorables à la lutte contre le réchauffement climatique. A moins de passer pour des adeptes de l’écologie qui  renoncent à contrarier les gros pollueurs.

Quitte à conforter la méfiance ambiante dans la parole publique et à creuser un peu plus le fossé entre les déclarations d’intention et les actes. C’est ce qui vient d’arriver juste après la tenue de la CCC valorisée par l’opinion émise par Macron.

Des proprositions pragmatiques qui n’allaient pas jusqu’à remettre en question nos modes de production et de consommation à l’échelle nationale ni mondiale.

Nos gouvernants, toutes sensibilités libérales confondues, ne tiennent pas du tout à changer de modèle économique. Ils n’ont qu’une préoccupation : rétablir les marges des entreprises et perpétuer la domination d’une petite minorité d’exploiteurs sur l’immense majorité de la population qui doit se contenter de ce que ces grands prédateurs leur laissent. Ils nous expliquent que c’est une règle naturelle que de faire passer les intérêts d’une minorité avant l’intérêt général. Ce serait grâce à eux que nous aurions un…travail donc des revenus ! Parlons-en…

Le comble, ils sont en train, sous prétexte du seul covid 19, d’essorer les entreprises qui bénéficient des aides publiques sans contrepartie, ce qui se justifie pour les artisans, commerçants, indépendants, agriculteurs…entreprises de petite taille dont beaucoup sont menacées purement et simplement car ne bénéficiant pas des mêmes privilèges fiscaux et des mêmes aides de l’Etat.

Trois mois après

Le 29 juin, le président de la République approuvait toutes les propositions de la convention citoyenne, moins trois, soit 143 lors de la réception des 150 participants tirés au sort.

Une semaine auparavant ils avaient remis un rapport de 600 pages à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne. (1)

Ils se sont réunis pendant neuf mois avec un collège d’experts du CESE (Comité économique social et écologique) devenu comité de gouvernance. L’occasion de mettre les projecteurs sur cette initiative du gouvernement qui la disait “démocratique et opérationnelle”

L’objectif fixé était exactement le même que celui des accords de Paris :  “réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), dans un esprit de justice sociale”. Comment se fait-il qu’on en soit toujours ou presque à la case-départ de…2015 ? Il était déjà au gouvernement ou alors, à l’Elysée…Depuis, les E-U s’en sont retirés, refusant toute évolution écologique s’inscrivant dans des délais précis.

Donnant un avis le 11 mars 2020 sur l’accord de Paris et la neutralité carbone d’ici 2050, le Comité économique, social et environnemental (CESE) qui encadrait la convention climat écrit que “Cet objectif est en rupture avec les tendances d’évolution spontanée de notre société. Il suppose donc une très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES), de l’ordre d’une division par 6 en 2050 par rapport au niveau d’émissions de 1990.” (2)

Macron entend “placer l’écologie au coeur du projet économique, concilier pleinement justice sociale et transition écologique, réussir l’amènagement de notre territoire et responsabiliser chacun.” Il y a beaucoup de retards à rattraper. Et le monologue est de rigueur.

Il avait donc validé l’ensemble des 149 propositions moins trois. Il en avait cependant rejeté une, ô combien symbolique : la réduction du temps de travail de 35 h à 28 h sans perte de salaire ? Son sang n’a dû faire qu’un tour ! “De la provocation” a-t-il dû penser. Ils ont osé demander cela ? Rejetée sans commentaire !

Les trois autres non validées : 1/ une taxe de 4% sur les dividendes…impossible voyons, “ça risque de freiner les investissements !” raison officielle au nom de la “justice sociale”, bien entendu  2/ la réduction à 110 à l’heure sur les autoroutes…attendons, le débat est reporté, on n’est pas dans le même registre  3/ la réécriture du préambule de la Constitution que Macron avait consenti à modifier pour renforcer la notion de protection de l’envirponnement. Pas possible : les libertés publiques, il n’y a pas au-dessus

Il s’était même engagé à soumettre à référendum la modification de l’article 1er de la constitution…ça ne mange pas de pain mais c’est tombé à l’eau.  Et puis il a tous les pouvoirs, plus encore avec l’état d’exception qu’il veut faire renouveler par l’assemblée sous peu.

De l’eau dans le gaz

Il semble que les propositions retenues par le chef de l’Etat qui en était le commanditaire sont en train de subir, elles aussi, un élagage et des critiques de ministres qui les trouvent intempestives, les conséquences économiques étant le prétexte facile vis-à-vis de celles et ceux qui se sont prêtés au jeu de la “démocratie à la sauce présidentielle”, le gouvernement taillant dans le gras du rapport vanté par le “château”.

Des ONG parlent de trahison à l’encontre des 150 pigeons qui se sont investis dans cette mission et ont crû aux flatteries de Macron.

Castex a essayé de “déminer” le terrain mais il n’est plus question que de 40% des propositions de la CCC pour figurer dans un projet de loi discuté d’ici la fin de l’année et 20% reprises dans la loi de finances de 2021 ? On est sûr de rien.

Les “150” ont accusé le coup et écrit leur déconvenue à  E. Macron qui les avait trop caressés dans le sens du poil : “Nous avons le sentiment de manquer d’un soutien clair et défini de la part de l’exécutif dont les prises de position nous apparaissent parfois contradictoiresdans une période où des communications ouvertement hostiles à nos propositions sont formulées par certains acteurs professionnels, des déclarations ministérielles discordantes sur les sujets de l’aérien, de la publicité, du déploiement de la 5G, de la baisse de la TVA relative au transport ferroviaire, ou d’autres, viennent renforcer le trouble et obscurcir la parole présidentielle. Dans ce contexte, nous vous demandons donc de réaffirmer votre engagement formel et public en faveur de l’examen sans filtre de nos propositions.”

Un courrier qui lui est visiblement resté en travers de la gorge et auquel il a répondu séance tenante, jurant ses grands dieux qu’il est toujours aussi ardent écologiste et que déjà “une trentaine de leurs dispositions sont entrées dans la vie ! Comme les terrasses chauffées, la sortie du fioul, les mesures contre l’artificialisation des sols ou l’effort sans précédent pour la rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics...”

Heureusement qu’il prend quelques mesures dont l’application tardive est encore peu visible et loin de suffire pour réduire les retards pris par notre pays depuis les accords de Paris. Sa majorité ne vient-elle pas de réautoriser l’emploi des néonicotinoïdes…parmi tant de décisions qui ne sont pas prises pour abaisser nos émissions de g.e.s et de produits alimentaires issus des OGM pour ne prendre que ces exemples.

Cinq ans après, seuls 17 pays avaient commencé à réduire leurs g.e.s et la France n’y figurait pas.  A cette allure la transition écologique n’aura pas lieu mais tout le monde se proclamera “écologiste” !

L’alternative existe

Heureusement progresse dans l’opinion -et notamment chez les jeunes générations- l’idée que l’obstacle c’est précisément le système capitaliste lui-même qui est incompatible aussi bien avec un renversement de l’ordre social en faveur des peuples, du travail, en même temps que d’une transition écologique qui vise un tout autre rapport à la nature, à tout ce qui la constitue et que l’intervention de l’Homme a profondément modifié jusqu’à finir aujourd’hui par  compromettre sa propre existence et celle de toutes les espèces vivantes.

Mais l’Homme -en général- n’a pas la même responsabilité que ceux qui ont, à travers les temps, organisé le pillage des ressources naturelles à des fins d’enrichissement personnel et de rendement maximum qui n’avaient rien à voir avec l’utilité sociale ni l’intérêt général. Seulement avec les intérêts des maîtres de l’économie et du pouvoir politique qui les représentent et qui savent utiliser le génie d’autres hommes quitte parfois à les envoyer au bûcher.

Et plus encore à faire s’entredéchirer les peuples dans des guerres de conquête pour le compte de ceux qui ne les font pas.

L’ordre marchand, la loi du profit pour quelques-uns, le pillage des biens communs, l’état de la planète et la condition de milliards de femmes, d’hommes et d’enfants sont la conséquence de siècles de domination d’un système d’exploitation qui va à contre-sens des aspirations des peuples à la paix, à la sécurité, au bien-être.

Y compris dans les pays dit”riches” dont un virus révèle l’extrême fragilité économique et les injustices sociales qui y règnent et qui s’y renforcent. Tout cela à l’heure de la révolution numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle…sur fond de profits privés colossaux .

Il serait temps de prendre notre destin en mains ainsi que celui de la planète !

René Fredon

(1) https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf

(2) https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2020/2020_06_accord_paris_engagements.pdf

 

 

Climat : la convention citoyenne interpelle Macron