Ils l’ont fait ! Au milieu de la nuit de vendredi à samedi les frappes aériennes des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni se sont abattues sur des sites présumés de stockage et d’assemblage d’armes chimiques sur le territoire syrien. Ils n’ont pas tardé à se féliciter de “la réussite de ces tirs de missiles qui ont tous atteint leurs cibles, sans dommages collatéraux” où la coordination des trois armées a fait des merveilles. Et comme le dit la ministres des Armées : “désormais le temps  est à l’action diplomatique” !

Avant même que l’origine de l’usage d’armes chimiques ait été indiscutablement déterminée, leurs soupçons se sont transformés en certitude et cela a suffi à nos deux va-t-en-guerre européens pour emboîter le pas de Trump qui, comme à son habitude, tenait à cette intervention et l’avait fait savoir en des termes absolument ignobles. Mais qu’importe !

C’est un honneur, n’est-ce pas, d’être aux côtés d’un tel chef d’Etat dans une mission punitive, sans mandat de l’ONU, aux risques immenses dans cette partie du monde où les conflits font rage depuis que les occidentaux ont décidé d’intervenir dans une région sur laquelle ils ont des intérêts économiques et stratégiques particuliers.

D’interventions militaires en interventions, le chaos s’étend, la paix et la sécurité s’éloignent. La veille du passage à l’acte, on a entendu le chef d’Etat major américain conseiller à Trump d’attendre le résultat de la commission d’enquête de l’ONU, tout en sachant que le président a, comme en France, le droit constitutionnel de décider seul de l’opportunité d’engager l’armée dans telle ou telle opération.

L’ex-patron du FBI, James Comey, limogé par Trump, sort un livre sulfureux ces jours-ci, sur l’hôte de la Maison Blanche “aux méthodes mafieuses” ! “Trump est immoral, déconnecté de la vérité et des valeurs institutionnelles…guidé par l’égo, tout est question de loyauté personnelle…”Le voilà “habillé” par une institution sur laquelle il y aurait beaucoup à dire mais qui en sait beaucoup.

Et c’est un tel chef d’Etat qui déciderait de notre politique étrangère et nos engagements militaires, derrière lequel il faudrait se rallier quand il a décidé des représailles au gré de ses velléïtés de président de la plus puissante armée du monde ? Passons au-dessus de l’ONU ! On risquerait le véto russe.

Lorsque l’Etat d’Israël bafoue toutes les résolutions qui le condamnent et continue son occupation illégitime des territoires palestiniens, il sait qu’il a le soutien des Etats-Unis et ça dure depuis plus de 40 ans, les Palestiens n’ayant toujours pas d’Etat reconnu. Qui souffle sur les braises tenues incandescentes ? Tous les vendredis, en ce moment, les soldats israëliens tirent sur la population civile, pas sur des groupes armés et fait des dizaines de morts sans que nos dirigeants aient la moindre réaction ? Cet Etat respecte-t-il le droit international ?

Sans écarter l’hypothèse que l’armée syrienne puisse avoir utilisé des armes chimiques, ce qui est interdit par les conventions internationales dès le lendemain de la première guerre mondiale, qu’ont fait les Etats-Unis au Vietnam pour donner la leçon au monde et s’ériger en gardien de l’ordre. De l’ordre capitaliste seulement.

On peut s’interroger aussi sur l’intérêt de Bachar El Assad, d’utiliser de telles armes au moment où Daesch a été chassé des territoires qu’il occupait et où l’armée syrienne a repris le contrôle de Ghouta où se trouvaient aussi des “rebelles” syriens qui se battent pour le chasser du pouvoir ?

Les frappes occidentales, même très ciblées, vont lui permettre de se placer en victime des puissances étrangères qui soutiennent ses adversaires en vue de le détrôner par tous les moyens. Elles ne feront qu’accroître sa légitimité aux yeux des Syrients qui le soutiennent.

La France essaie de dédramatiser son intervention, en faisant dire, quelques heures après les frappes, à la ministre des Armée et à celui des Affaires étrangères qu'”elle est prête à travailler à la relance du processus politique” ! Comble d’hypocrisie : “je t’envoie mes missiles mais c’est pour t’aider à réfléchir, ce serait mieux que tu laisses la place, on est prêt à ouvrir le dialogue et à engager le processus”.

Une méthode qui n’a guère de chance de convenir au dictateur de Damas, soutenu par les Russes et par l’Iran. De leurs côtés, les Etats-Unis et la France soutiennent d’autres dictateurs, comme celui d’Arabie Saoudite, gros acheteur d’armes et qui intervient depuis trois ans au Yémen où la guerre civile fait rage sans que Macron ne s’en formalise, il est vrai que nos matériels servent aux belligérants saoudiens. Une guerre “oubliée” avec des dizaines de milliers de morts, des millions de civils en errance, d’autres sur place, estimés à 20 millions, privés de l’aide humanitaire qui n’arrive pas…

Nos médias les plus influents sont d’une grande discrétion. Et pourtant les conventions internationales y sont largement ignorées à commencer par les entraves aux associations humanitaires, aux journalistes…tenus vigoureusement à l’écart.

Bien sûr il faut faire respecter les conventions et le droit international. TOUT le droit international, PARTOUT. La guerre chimique n’est pas tolérable, nulle part. Mais la guerre tout court, la course aux armements, les stocks d’armes nucléaires…seraient-ils plus acceptables ?

Ajouter de la guerre à la guerre ne peut aller dans le bon sens. Sauf à considérer les intérêts économiques des principaux marchands d’armes. Qui ont des bases très proches de leurs clients, en l’occurence. Il faut bien les aider à s’en servir ? Et qui après le désastre, sont prêts à répondre aux appels à l’aide pour évacuer les décombres et reconstruire ce que leurs armes ont détruit.

Jaurès ne disait-il pas “le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.”

A méditer.

René Fredon

 

 

 

 

 

 

 

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