Avant l’adoption de la loi de moralisation de la vie publique dans la confusion, le journal l’Humanité révélait que Muriel Pénicaud, l’actuelle ministre du travail, avait réalisé en 2013 une de ces opérations spéculatives qui lui avait rapporté plus d’un millions d’euros dans la même journée en achetant et revendant des actions au moment où l’entreprise Danone -dont elle était la DRH-annonçait la suppression de 900 emplois dont 230 en France !

Ce qui s’apparente à un délit d’initié et en tout cas particulièrement choquant venant d’une ministre choisie par Macron pour justifier le démantèlement du code du travail au profit des actionnaires dont elle fait partie. Ce qui  relève aussi du conflit d’intérêts.

Evidemment cette révélation tombe mal au moment où il est question de moraliser la vie publique et où le pouvoir ose diminuer les APL de 5 euros et en finir avec le code du travail. Les Français, dans leur immense majorité, ne peuvent pas comprendre que ceux qui les gouvernent puissent bénéficier de tels revenus et admettre de telles disparités, alors que plus de 10 millions de personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté !

Son système de défense consiste à dire que c’était avant sa nomination au gouvernement et que c’est parfaitement légal ! Elle aurait pu ajouter que Macron encourageait les jeunes, depuis la Californie, à devenir milliardaires ! Muriel Pénicaud ne l’est peut-être pas mais elle fait partie des hauts cadres très bien payés, elle est également membre de plusieurs conseils d’administration.

Elle a la confiance du Chef de l’Etat qui l’a même nommée à ce poste pour ses nombreuses références…au travail. Il ne pouvait trouver mieux pour comprendre le grand patronat. Avant Danone, Muriel Pénicaud était directrice générale adjointe de Dassault-systèmes, de 2002 à 2008, un de ses grands patrons dont la “moralité” n’est plus à démontrer.

Castaner au secours !

 La polémique a pris des proportions tant l’Humanité a frappé fort et juste. Au point que le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, ex-leader du PS en PACA, est monté au créneau pour défendre sa collègue déstabilisée et la plus-value qu’elle a réalisée. Sur France 2, vendredi 28 juillet, il a crû bon d’en rajouter une couche en minimisant l’affaire.

Voyons, c’était avant…Et puis, “ce matin, le cours en Bourse de Danone était de 20% supérieur au moment où elle a vendu. Donc on pourrait se dire que finalement elle n’a pas fait une bonne affaire…je ne veux pas rentrer dans ce débat…»

 Pour de l’humour, c’est de l’humour…noir. Pour un peu il lui aurait décerné la médaille…du travail, bien sûr !

Il ne pouvait y voir une illustration aussi éclairante de ce que les restructurations peuvent avoir de dramatique pour les femmes et les hommes sacrifiés sur l’autel de la rentabilité…et de bénéfique pour les actionnaires qui vont pouvoir se remplir les poches après avoir diminué la charge salariale. La bourse repart à la hausse après avoir baissé à l’annonce des difficultés -vraies ou fausses- que rencontrait l’entreprise. Le tour est joué. Il suffit d’être initié…et d’avoir de l’épargne.

Ces gens-là n’en manquent pas. Ils savent la faire “travailler”. Parfois ils se plantent en achetant des “produits financiers” très risqués, histoire de multiplier leur capital. Plutôt que de le mettre au service de l’économie, ils en planquent une partie dans les paradis fiscaux très discrets sur les opérations spéculatives qu’ils couvrent et sur l’origine des fonds déposés.

Oui, “madame la ministre a touché le pactole sur le dos des emplois” comme le titrait l’article de l’Humanité du 27 juillet, qui rappelait que les dividendes servis aux actionnaires étaient passés de 1,45 euro l’action en 2013, à 1,60 en 2015, soit +10%. Les plans sociaux ne font que des perdants dans le camp des salariés. Il y a aussi des gagnants dans celui des actionnaires.

Contrairement aux idées reçues -et toujours en vigueur- ce n’est pas l’emploi qui est une charge, c’est une ressource, à condition de l’utiliser et de bien le rémunérer. C’est le capital qui coûte cher à l’économie car les profits tirés de l’exploitation du travail sont loin d’être réinvestis dans la recherche, le développement, la formation, les salaires…ils vont à l’accroissement des patrimoines et   des grandes fortunes privées qui s’étalent sous nos yeux.

Et malheureusement -mais c’est dans la nature de ce pouvoir- la loi de moralisation de la vie publique épargne la finance et ne souligne pas l’immoralité de la place que tient l’argent dans notre société. La loi s’en tient à des aspects très secondaires en ne ciblant que les parlementaires, surtout pas les scandales permanents que constituent la dissimulation fiscale, les licenciements boursiers, la spéculation et ses dérives, l’exploitation des salariés et des pays pauvres qui ne profitent qu’à la classe des possédants et de ceux qui les servent en connaissance de cause.

Ce gouvernement et sa ministre du travail en font partie.

René Fredon

 

Spéculation : la ministre du travail fragilisée par les révélations de l’Humanité

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