Macron n’a pas laissé se développer les commentaires douloureux après les municipales qui n’ont fait aucune place au parti et aux candidats labellisés LREM. Il vient, à deux ans des présidentielles, de nommer, toutes affaires cessantes, un nouveau premier ministre : Jean Castex, 55 ans, haut fonctionnaire, maire LR de Prades (P.O) depuis 2008. Il avait été le M. confinement de ces derniers mois.
Les observateurs les mieux intentionnés ne voyaient pas les raisons de remercier celui en poste à Matignon, si fidèle, si discret, si populaire dans son camp…devançant le président dans les sondages… peut-être est-ce çà ? ou alors a-t-il eu peur de l’enquête ouverte par la Cour de justice de la République contre E. Philippe, O. Véran et A. Buzyn sur la gestion de la crise sanitaire ?
Peu importe, il a mûri sa décision et n’a pas laissé durer la fâcheuse impression laissée par l’absence, désormais indiscutable, d’implantation locale de ses troupes en capilotade. Plus encore après la perte des plus grandes villes au profit de la gauche et des écologistes rassemblés.
D’ailleurs, E. Macron a confié au sortant, difficilement reconduit au Havre, la mission de “reconstruire la majorité”, façon de reconnaître qu’il y a du flottement dans la maison et que s’il avait réussi à faire exploser les partis traditionnels, en 2017, en construisant une majorité essentiellement puisée dans le PS, les Verts et LR, prétendant transcender les partis, il se retrouve assez seul au plus fort de la tempête.
Le choix de Jean Castex est un signal clair du même positionnement politique, à droite toutes, ce dont personne ne doute, compte tenu de leur proximité idéologique et de formation (Sciences Po et ENA) illustrée par les missions dont l’avait chargé Xavier Bertrand sous J. Chirac, puis N. Sarkozy qui en avait fait un secrétaire général de l’Elysée, comme Macron promu par Hollande avant de devenir ministre de l’économie et….chef de l’Etat
Pas de changement de cap, on change l’attelage pour retrouver, du moins en apparence, un second souffle et une cohésion -car ça ruait dans les brancards- pour affronter une période à très hauts risques.
Avec une feuille de route qui promet puisqu’y figure en premier la réforme des retraites ! Sur fond de perte de croisssance de 12% du PIB, un endettement atteignant 120 % du PIB, une situation économique et sociale explosive qu’il compte résoudre par la… réduction des dépenses publiques comme c’est original ! Et la promesse d’une politique environnementale “exemplaire” !
En attendant, la France est visée pour non-résultats dans la réduction des pollutions atmosphériques.
On a pu lire dans la presse quotidienne du 3 juillet ces propos cocasses du chef de l’Etat : “Je n’ai pas le droit de faire des calculs pour moi…” alors qu’il ne pense qu’à çà à longueur de journée surtout quand il mesure à quel point il est déconnecté du peuple -pas des milieux d’affaires- qui ne vote plus quels que soient les scrutins, puisque tout ne fait que s’aggraver.
Bien sûr qu’il a beaucoup de travail pour essayer de nous convaincre qu’il ne pense qu’à l’intérêt général quand chacun peut constater qu’il n’y a que les profits des plus riches qui prospèrent. D’ailleurs on nous les agite sous le nez pour qu’on ait envie de rallier le cercle restreint des privilégiés si on veut bien s’en donner la peine…comble du cynisme et de l’infantilisation !
Lui, il peut, quand il le décide, comme n’importe quel souverain-dictateur, changer de premier ministre, remanier le gouvernement, faire adopter les lois, décréter l’état d’urgence, faire toutes les déclarations qu’il veut, mobiliser les médias quand ça l’arrange. Mais pas moyen d’obtenir un référendum d’initiative populaire pour la privatisation des aéroports, des autoroutes, pour la réforme des retraites ou l’arrêt du glyphosate et tant d’autres sujets qui se passeront de l’avis des citoyens.
Et il veut nous faire avaler que le “Ségur de la santé” va déboucher sur la satisfaction des attentes des soignants, des soignés et sur le développement du service public de santé ? Que “la jeunesse va être mieux accompagnée et qu’il n’y aura pas de génération sacrifiée…” il va sortir de son châpeau “une nouvelle donne sociale pour sauver l’emploi…” pendant qu’il subventionne Air-Bus pour qu’il licencie un peu moins ?
Il a même l’audace d’utiliser l’expression “les jours heureux” pour évoquer le Conseil national de la Résistance d’où est sorti, en 1945, notre modèle social qu’il s’emploie à effacer de l’histoire avec une belle détermination qu’il présente comme une “extension protection sociale” ! “Place aux assurances privées et aux économies dans les hôpitaux publics”, serait plus honnête.
Il va lui falloir de très gros bras pour tenir un tel cap sinon Jupiter va s’attirer les foudres d’un peuple qui ne se laissera pas convaincre que les progrès technologiques doivent se traduire par une régression sociale, démocratique et écologique, travestie en “modèle de société moderne“.
En réalité, il nous démontre que son monde d’après , c’est celui d’avant…en pire !
Jean Castex n’aura pas plus de marge qu’Edouard Philippe. Le pilote est à l’Elysée.
René Fredon