Qatar : un parfum de scandales jusqu’au bout

 

La coupe du monde de foot-ball tire à sa fin. Sur le plan sportif, l’équipe de France aura brillé en se qualifiant pour la finale et défendre son titre de champion du monde. Aux dépens du Maroc, révélation de l’épreuve et premier pays d’Afrique à atteindre ce niveau. Bien que battue 2-0 l’équipe du Maroc a fait souffrir et douter la France “frisant” le but à plusieurs reprises et monopolisant le ballon à 61%.

 

Une grande équipe qui a fait la preuve de son -et de ses- talents et gagné sa place parmi l’élite du foot-ball mondial. Malgré leur déception et celle de leurs supporters, les joueurs et leur entraîneur ont félicité les joueurs français, partenaires ou adversaires de leurs clubs respectifs, par des accolades chaleureuses d’une grande sportivité.

 

Mais c’est un autre aspect de cette coupe du monde particulière que j’évoque et qui fait toujours couler beaucoup d’encre.

 

Un secret de polichinelle

 

Pour que sa candidature soit retenue, le Qatar corrompait des “soutiens”, aussi facilement qu’il avait acheté le PSG. Avec beaucoup d’argent sonnant et trébuchant. C’est ainsi qu’un chef d’Etat français se chargea de soigner sa renommée, la sienne et celle d’un émir tout puissant régnant sur d’immenses puits de gaz et de pétrole, disposant à sa guise d’une montagne de profits qui n’arrêtent plus de croître…pourtant il va bien falloir, exigences climatiques obligent ?

 

Ce n’est qu’en 1939 que ce petit Etat très pauvre, sous tutelle britannique, découvrit qu’il avait du pétrole. Il ne l’exploitera qu’après la 2è guerre mondiale, dans les années 50. Il amorce alors une croissance notable de ses revenus et, après le retrait -politique mais pas économique- de la Grande-Bretagne, Shell découvre et exploite le plus grand gisement du monde de gaz naturel.

 

Avec le concours de compagnies pétrolières occidentales, le Qatar construit 14 usines de gaz liquéfié, il voit son PIB et sa richesse exploser grâce à ses ressources en hydrocarbures. Il devient l’Etat le plus riche de la planète dont on peut “admirer” l’image de grandeur qu’il donne de son petit pays à travers sa capitale, Doha ?

 

Car le Qatar est 50 fois plus petit que la France avec 27 fois moins d’habitants (2,5 millions). La famille régnante détient seule le pouvoir politique et religieux, un fondamentalisme bien connu. Aucun parti politique n’y est autorisé. L’émir se veut très proche des “Frères musulmans” et finance de nombreux groupes terroristes qui s’y rattachent. L’Occident ferme les yeux.

 

Mais comme le Qatar est très riche, il a des arguments pour garder de bonnes relations avec cet occident très favorable à tout ce qui peut générer du profit privé et fortifier le système capitaliste en train de prendre l’eau de toutes parts. Le Qatar voulait la coupe du monde de foot, il l’a eue contre toute considération sportive, sociale et écologiste. Il paye, telle est la loi du plus fort ! c’est sa volonté, il ne faut pas compter sur le monde des affaires pour le contrarier.

 

Naturellement cela donna lieu à quelques scandales. La géographie, le lieu dépourvu de toute structure ou presque, les soupçons de corruption se sont avérés rapidement. Sarkozy “aidé” par la FIFA avait décidé d’agir en faveur du Qatar moyennant des contre-parties mises à nue dans l’émission de la 2, le 13 Octobre 2022,”Qatar 2022 un scandale français“. Pratiques qui avaient fait déjà l’objet d’une enquête pour corruption du parquet national financier en 2019.

 

L’impact écologique désastreux des grand travaux réalisés en urgence, puis les conditions de travail imposées aux salariés.es immigrés construisant les structures sportives, d’accueil et de transport ont fait des milliers de morts et défié les droits humains. Si bien que les appels au boycott se sont multipliés à travers le monde.

 

Sport et politique

 

Sans succès, “le sport ne doit pas être politisé” entend-on chez notre chef de l’Etat (et ses perroquets) qui, comme chacun sait, ne fait pas de politique…si ce n’est qu’il sert avec zèle et constance les intérêts de la classe des très riches et des puissances qui gèrent leurs intérêts propres au détriment des classes populaires qui se demandent, chez nous, entre autre, s’il ne va pas bientôt falloir travailler jusqu’à 70 ans pour espérer une retraite correcte mais moins longue ?!

 

Mais voyons, le but est atteint. Le Qatar a bien fait les choses. Les stades sont finis, tout neufs, heureusement, l’organisation a bien fonctionné, c’est eux qui le disent…Ne parlons plus du reste, ça ne sert à rien…place au foot-ball ! “Oublions le passé, reviens, je te pardonne” comme le dit une vieille chanson française.

 

Soyons nombreux dimanche pour soutenir notre équipe, nous dit-on. Bien sûr. De là à oublier ce qu’on appelle “la dérive du sport” à travers sa marchandisation, ses salaires indécents, offerts à une infime minorité qui n’y est pour rien, certes mais qui entre dans le tourbillon de l’illusion d’un système toujours plus élitiste et inégalitaire.

 

Et que dire des paris sur le sport qui prennent une ampleur très inquiétante car addictive ?

C’est toute une conception des valeurs de la pratique sportive : plaisir, santé, esprit d’équipe, résistance, performance, compétitions, respect de l’adversaire, des règles et de l’esprit du sport…parmi d’autres.

 

Ces derniers jours, en plein “mondial de foot”, les députés européens ont voté à la quasi-unanimité, la révocation de la vice-présidente grecque Eva Kaili écrouée et suspectée avec d’autres pour avoir reçu “d’importantes sommes d’argent ou de cadeaux significatifs…en vue d’influencer les décisions de l’institution...” Le Qatar n’était pas nommé, désormais il l’est par toute la presse…ou presque.

 

Décidément le parfum de scandales qui tourne autour de ce pays et de quelques autres qui ferment les yeux sur ce qu’ils savent, qu’ils voient, qu’ils tolèrent, qu’ils acceptent, qu’ils pratiquent même, ne pourra s’estomper de sitôt tellement il est révélateur.

 

Il représente une illustration de ce qui se passe à une très grande échelle tant que la question du pouvoir réel du peuple sur la finance, à commencer par celui des salariés.es à l’entreprise, ne deviendra pas la question essentielle pour toutes celles et ceux qui ne se la posent pas pour tout un tas de raisons. Dont celle de la faisabilité alors que la nécessité paraît souhaitable.

 

N’hésitez pas à prolonger ce questionnement.

 

René Fredon

https://www.humanite.fr/qatar-les-morts-du-stade

 

Qatar : un parfum de scandales jusqu’au bout