Le renoncement du chef de l’Etat à conclure le “grand” débat au moment où Notre Dame de Paris commençait à brûler peut très bien se comprendre. Son intervention alors que l’incendie n’était pas maîtrisé aussi, compte tenu de l’incertitude qui régnait quant à l’anéantissement possible de ce monument parmi les monuments du patrimoine mondial les plus universellement célèbres.

Mais dès le lendemain, alors que s’exprimait la stupeur et l’émotion des témoins directs d’un tel désastre, bien au-delà de notre seul pays, le contenu de ses conclusions non prononcées parvenait dans quelques rédactions et faisait tâche d’huile en même temps que le président faisait preuve d’un volontarisme quelque peu présomptueux :”je veux que sa reconstruction (de Notre Dame) soit achevée d’ici 5 ans !”

 Même les rois disaient “nous voulons...” Ils avaient aussi besoin de quelques conseils éclairés avant de lancer des délais impossibles de reconstruction d’une oeuvre d’art d’un tel volume, multiséculaire, aussi profondément endommagée.

Macron différait de fixer une date à court terme pour finaliser le débat national, tenant sans doute à mettre de la distance entre les deux séquences, l’évènement en cours s’imposant.

Il promettait “de revenir vers nous” après avoir décidé de rendre public le contenu de ce qu’il devait dire solennellement à la télévision. Soit un délai supplémentaire pour analyser les réactions et y répondre après avoir fortement confisqué l’espace-temps depuis trois mois.

Pas de quoi calmer les colères

 En matière de fiscalité, il ne reviendra pas sur l’ISF qu’il rebaptisera IFI (impôt sur la fortune immobilière), peut-être une évaluation..? Il veut baisser les impôts…pour les classes moyennes en revoyant certaines niches fiscales, en réduisant la dépense publique, en augmentant la durée du travail (hebdomadaire) et en retardant l’âge de départ à la retraite (62 ans aujourd’hui, pas formellement garanti…) Rien sur la fraude, l’évasion fiscale, sur les profits des multinationales

Concernant le pouvoir d’achat, il dit vouloir pérenniser la prime d’activité (versée par les employeurs à 2 millions de salariés depuis l’action des gilets jaunes) et réindexer les retraites inférieures à 2 000 euros sur l’inflation. Des retraites qui stagnent depuis 5 ans…Notoirement insuffisant, rien sur le SMIC et les salaires !

Le gouvernement prendrait en charge la garantie du paiement des pensions des mères isolées.

Démocratie, institutions…Le RIC, référendum d’initiative citoyenne est écarté à l’échelle nationale, à l’échelon local…passe encore. Il se dit favorable au RIP (initiative partagée) qui existe mais rarement utilisé. Il pourrait l’être pour la privatisation contestée des Aéroports de Paris Y sera-t-il favorable ?

Il parle d’une “convention de 300 citoyens tirés au sort pour travailler à la transition écologique et aux réformes concrètes…”

Il envisage de supprimer l’ENA symbôle de la formation des élites peu ouvertes aux classes populaires ? Ne vaudrait-il pas mieux permettre à tous les étudiants de pouvoir accéder aux grandes écoles, en luttant très tôt contre l’échec scolaire dans les quartiers populaires ?

Il compte supprimer 1/3 des députés et sénateurs et introduire une pincée de proportionnelle dans certaines élections. En quoi la gestion sera-t-elle plus démocratique ?

Concernant la fracture territoriale, Macron envisage un nouvel acte de décentralisation au moment où s’affirme la régionalisation et la métropolisation qu’il n’a pas détaillé mais qui pourrait être le rapprochement entre conseillers départementaux et régionaux (même élu pour les deux fonctions ou suppression des conseils départementaux ?) Ce qu’il n’a pas précisé mais qui est dans les tuyaux.

Il ne veut plus de fermeture d’école et d’hôpital jusqu’à la fin du quinquennat…Mais cela ne veut pas dire plus de fermeture de lits ou de classes ? Les maires seront consultés.

Pour les EPHAD, il renvoie à un plan ultérieur.

Ecologie : Le retour de la taxe carbone reste ouvert.  Avec la convention  à mettre en chantier, cela en dit long sur le peu d’empressement porté à cet enjeu dont tout le monde politique se réclame.

 Le décalage

Un tel bilan ne peut convaincre la majorité des Français(es) de la volonté du pouvoir d’aller dans le sens de la cohésion sociale. Il tourne le dos aux urgences et aux attentes sociales et écologiques. Si Macron voulait réveiller le sentiment de mépris des 70% de retraités(es) en-dessous des 2 000 euros de pension, des salariés(es) en dessous-du SMIC, des locataires et des mal logés dont il ne parle même pas, il aura perdu beaucoup de temps.

Il ne fait que diviser le peuple qui subit la loi des très riches en ne lui donnant pas d’autre issue que de s’unir et d’agir pour obtenir gain de cause et un changement radical d’orientation. Pourquoi faudrait-il attendre la fin du quinquennat et lui laisser les mains libres pour parvenir à ses fins de libéralisation accélérée de l’économie et à son cortège d’injustices, d’inégalités, de régressions tous azimuts ?

Les idées ne manquent pas. Il suffit pour s’en convaincre de prendre connaissance des travaux des gilets jaunes de Toulon qui se réunissent tous les mercredis matin à la salle de la Méditerrannée et produisent des propositions détaillées sur de très nombreux thèmes (1)

Désormais l’élan de solidarité qui s’exprime en monnaie sonnante et trébuchante apporte la preuve éclatante du pognon de dingue dont disposent les grandes fortunes, sans parler de ce qu’elles planquent dans les paradis fiscaux et des cadeaux fiscaux dont elles bénéficient directement, par centaines de milliards chaque année.

S’ils sont capables de donner des dizaines de millions pour reconstruire Notre-Dame, qu’ils arrêtent de nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour satisfaire l’urgence sociale“, a

“Ces millions d’euros de dons, c’est la démonstration que certains dans ce pays sont très, très, très riches et que la question du partage des richesses, elle est posée plus que jamais a déclaré Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.

Il faut dire que la générosité de certains donateurs -notamment les fondations- est toute relative. De fait, la loi prévoit pour celles qui investissent dans la culture une déduction d’impôt de 60% sur leur versement.

Le 1er ministre vient de la porter à 75% jusqu’à 1 000 euros (et 66% au-delà) concernant les dons au chantier de Notre Dame de Paris !

Du coup, la famille Pinault a fait savoir à l’AFP qu’elle renonçait à toute réduction d’impôt. Le remords, sans doute ?

Le débat se trouve relancé. Le président des riches n’en a pas fini avec le mouvement social.

La catastrophe qui vient de se produire  révèle en même temps l’ampleur de la richesse disponible dans notre pays. Et l’ampleur des injustices qui s’y donnent libre cours.

René Fredon

 (1) file:///C:/Users/Ren%C3%A9/Downloads/Gilets%20jaunes%20Toulon%20Dole%CC%81ances.pdf

 

Macron persiste et signe !

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