Il paraît que notre Jupiter ne descendait pas assez du mont Olympe, qu’il négligeait le monde des vivants du haut de sa légende.
Pourtant on ne voyait que lui donnant la leçon aux chefs d’Etat, paraphant les ordonnances devant les caméras, au point de nous demander si ceux qu’il avait adoubés pour nous administrer avaient bien reçu le message. D’autant que le messager suprême ne manquait pas de souligner leur timidité, ainsi que celle de la cour chargée au parlement de relayer sa volonté “transformatrice”, comme il l’a martelé dimanche soir sur les ondes.
Car Jupiter ne veut pas simplement “réformer”, il veut “transformer” notre société des hommes, réconcilier le capital et le travail qu’il ne veut surtout pas opposer de sorte que rien ne change dans les rapports sociaux, que le travail se soumette au capital, le “premier de cordée…” comme il l’a si bien imagé.
Ainsi selon ce raisonnement d’un libéral si peu transformateur, “tout le monde sera gagnant…et la France retrouvera son rang...” roulez tambour !
Il a bien répété une bonne douzaine de fois “je veux…je veux…” comme pour nous convaincre de sa détermination. Après avoir assumé ses emportements que des journalistes malvaillants ont sorti du contexte, a-t-il plaidé, sans faire la moindre concession sur ses accusations scandaleuses de “fainéants” et autres amabilités…à ceux “qui foutent le bordel” parce qu’ils vont perdre leur emploi !
“Ce sont des éléments de langage populaire” a-t-il osé, se permettant une leçon de syntaxe particulièrement déplacée. Mais Jupiter peut tout se permettre, il ne peut être jugé que par lui ! Qu’on ne le dérange pas dans sa tâche, qu’on prenne son rang dans la cordée et qu’on ne vienne pas le qualifier de “président des riches” ! Il ne supporte pas.
Il a même martelé que “ce sont les APL qui font monter les loyers“, alors qu’ils sont réglementés et deux fois moins chers dans le secteur du logements social pour justifier les 5 euros prélevés sur les locataires dès octobre. En 2018, ce sera 50 ou 60 euros retenus par mois !! N’étant plus à un miracle près, il prétend faire baisser les loyers en même temps que réduire les APL.
Il a eu l’audace de répéter à plusieurs reprises que les offices publics avaient des réserves, qu’ils étaient donc riches…Histoire de prendre le contre-pied du 78 ème congrès de l’Habitat social qui a refusé d’entendre son ministre venu les mettre au pas.
Autre exercice difficile : c’est le code du travail qui est responsable du chômage ! Pas la crise du système libéral. Donc changeons de code dans le sens voulu par le premier de cordée et imposons-le par ordonnance à ceux qui traînent et qui cherchent un travail, rendu de plus en plus alléatoire. Plus de souplesse pour les patrons c’est encore plus de précarité et moins de protections pour les salariés, les jeunes. Jupiter n’a d’yeux que pour ceux qui réussissent et qu’il faut imiter voyons, pas jalouser ! Le problème c’est que les inégalités sociales ne sont pas une vue de l’esprit. Elles éliminent très tôt toute une partie de la société d’en-bas qui cumule trop de handicaps. On ne peut prétendre les faire reculer durablement dans un système économique aussi inégalitaire qui fait de l’argent le critère principal de la réussite sociale.
La transformation sociale suppose un renversement des valeurs et des moyens mis à la disposition de l’émancipation de tous. En commençant par la maîtrise de la finance et non pas sa sanctuarisation. Pour que puisse se concrétise notre tryptique républicain : liberté, égalité, fraternité.
Notre oracle a parlé de sa volonté de réduire le nombre d’élèves par classe de CP dans les zones prioritaires. Très bien, sauf que si ces conditions ne sont pas réunies les années suivantes dans les autres classes, ça aura servi à quoi ? Il confond effets d’annonces et réponses aux urgences sociales qui appellent une autre vision de long terme pour une société qui s’enlise dans la fuite en avant libérale. Elle se mesure au démantèlement de ses services publics.
Même ses plus chauds partisans commencent à douter d’un certain nombre de mesures qui penchent vraiment trop à droite, selon eux…c’est dire. Sa prestation de dimanche dernier ne les aura guère rassurés. Ils se sentent davantage en panne qu’en marche. Pas du tout en phase avec le vécu des Français…sauf d’une minorité de privilégiés.
Ce n’est pas en martelant qu’il a reçu mandat du peuple sur son programme qu’il convaincra les salariés, les retraités, les jeunes, l’immense majorité du peuple de se plier à une politique régressive aussi brutale. Son élection est certes légitime mais son programme n’a été soutenu explicitement que par 24% des exprimés. Le vote du second tour est un vote par défaut.
A un journaliste du Financial Times, le 11 juillet dernier qui remarquait que les plans de son gouvernement ne comportent que des mesures de droite, le premier ministre, Edouard Philippe, répondit dans un grand éclat de rire : “vous vous attendiez à quoi ?“
René Fredon