48 h après Marine Le Pen à Fréjus, E. Macron, devant ses parlementaires, a repris la main médiatique sur le terrain favori du RN : l’immigration. Comme pour lui disputer l’électorat le plus réceptif aux arguments les plus bas qui font des demandeurs d’asile mais aussi des populations françaises issues de l’immigration, une des causes principales de la crise sociale qui se déploie depuis son accession au pouvoir.
D’où, à l’approche des municipales décisives pour LREM qui n’en dirige pas, la ligne donnée aux parlementaires qui vont être investis de ne pas laisser au seul RN le soin d’influencer les catégories populaires qui ont mordu à l’hameçon.
Puisque ça n’a pas mal réussi à la famille Le Pen, Macron et ses troupes ne vont pas la laisser seule sur ce créneau éminemment dangereux mais électoralement rentable !
Et puis quelle meilleure façon, croit-il, de détourner l’opinion de la crise sociale qui se déploie en ce moment, une colère sociale profonde et déterminée qu’il croyait avoir réduite après 6 mois d’irruption du mouvement des gilets jaunes et qui repart de plus belle, toutes catégories confondues, pour refuser la liquidation de notre système de retraite qui a besoin de réformes mais par le “haut”, pour de meilleures pensions, pas pour travailler et cotiser plus longtemps et toucher moins à l’arrivée.
Macron joue avec le feu en se plaçant sur le même terrain que le RN, ce qui est une manière de légitimer ses campagnes acharnées contre les migrants, “qui coûtent cher aux Français.es qui alimentent le budget…leur inadaption à notre civilisation etc”. Raisonnement étendu à nos quartiers populaires ghettoïsés, éloignés des centres-villes, regroupant des populations français.es fragiles, d’origine arabe et noire, pour une grande proportion.
Voilà le président des riches qui ne veut pas que ses candidats puissent être assimilés “à un parti bourgeois qui n’a pas de problème avec l’immigration puisqu’il ne la croise pas tandis que les classes populaires vivent avec”! Assez cocace si ce n’était grotesque et très condescendant.
Comme le dit Eric Fassin, spécialiste des questions migratoires : “Suffirait-il de mener une politique xénophobe pour devenir le président des prolétaires ?” Et d’ajouter : “bien sûr il y a des problèmes en matière d’immigration…Le RN veut défendre le peuple contre les immigrés et leurs enfants…cette xénophobie débouche sur le racisme puisqu’elle met à part des Français en raison de leurs origines…”
Macron lui emboîte le pas et continue à durcir les modalités du droit d’asile tout en construisant des centres de rétention administrative (CRA) qui déboucheront sur plus de rejets car il faudra des résultats pour montrer sa “fermeté”, histoire de disputer le “marché électoral” au RN.
C’est dans ces quartiers “où l’on cotoie l’immigration” que le chef de l’Etat baisse les APL, les allocations et pour Neuilly qu’il supprime l’ISF mais pas les paradis fiscaux. C’est dans ces quartiers que le niveau de chômage est au moins double de la moyenne et le niveau de vie des familles très bas…on pourrait continuer. Mais en plus, on stigmatise les habitants parce qu’il y a des jeunes en échec scolaire, de la délinquance, parfois de la violence…de la misère surtout. Mais, quoiqu’ils en disent, on ne peut pas compter sur Macron et son opposant favori pour la réduire.
Ce sont ceux, Français.es, à part entière, qui ont d’autres origines, d’autres croyances, parfois d’autres manières de s’alimenter ou de s’habiller, ce qui relève de la sphère privée. Ils prennent trop de place aux yeux de ceux qui en font des boucs émissaires ! Il ne s’agit pas pour autant de banaliser l’infime minorité qui a basculé dans l’islamisme radical.
Ce que fait Macron en empruntant cette voie de fracture de notre société, c’est se placer sur le terrain du RN et attiser les passions les plus dangereuses, les surenchères démagogiques qui ne peuvent déboucher que sur une impasse. Vouloir remettre en cause ce qu’est devenue la France, pays des droits de l’homme, au fil de son histoire, vouloir distinguer son peuple selon les origines des uns et des autres, remettre en cause le droit d’asile ne peut que préparer un avenir très anxiogène et fort peu républicain.
René Fredon