A Toulon, comme ailleurs les Gilets jaunes sont loin d’avoir un genou à terre. Ce ne sont pas les appels au calme du chef de l’Etat qui vont les faire sagement rentrer chez eux le samedi, comme si ces fidèles des rendez-vous du samedi avaient obtenu le début du commencement de ce pourquoi ils se sont retrouvés spontanément sur les ronds-points puis dans les centres-villes depuis plus de trois mois.
La question que Macron et les siens devraient se poser, serait de se demander pourquoi autant de citoyens.es de toutes conditions et de tous horizons éprouvent encore le besoin d’exprimer leur colère, leur malaise social qu’ils attribuent non sans raison, à un gouvernement qui les “oublie”, les méprise tandis qu’il ne favorise que les plus riches, une infime minorité ?
Ils étaient plus d’un millier ce dernier samedi à se retrouver sur la place de la Liberté et à battre le pavé pendant quatre bonnes heures, sans débordements, avec toujours les mêmes revendications portant sur le pouvoir d’achat, le relèvement du SMIC, des bas salaires et des retraites, la justice fiscale et pas le matraquage des taxes sur les carburants qui pénalisent les usagers forcés de l’automobile, pour une véritable démocratie participative…pour être respectés et pouvoir vivre dignement et non pris en étau entre deux élections, comme des sujets de sa majesté. Ils ne veulent plus subir.
Ils ont compris que le “grand” débat n’avait pour seule visée que d’en finir avec un mouvement citoyen qui pouvait générer de la violence et des déprédations, soit par infiltrations de groupes organisés, d’éléments incontrôlés, soit par l’intervention d’une police prompte à utiliser les gaz lacrimogènes et des armes très dangereuses condamnées par la commission européenne.
Mais Macron en justifie l’usage. Il va même plus loin, il a déclaré que “lorsqu’on va dans les manifestations, on est complice du pire !” Rien que ça. Dans la foulée de son appel au calme et, dit-il, pour répondre à la demande de nos concitoyens, des commerçants pénalisés, il durcit sa stratégie dissuasive, sans lâcher la moindre concession sur les revendications. La droite lui a emboîté le pas et le RN n’est pas loin d’en faire autant, partagé entre la récupération du mouvement et la défense de certaines catégories sociales plus “élevées” qui lui font confiance…L’augmentation du SMIC et des salaires, il n’en veut pas.
Les sondages se multiplient qui font état de l’opinion des Français, partagés à 50/50 sur le retour au calme. Mais il y en a toujours 6 sur 10 qui pensent que les conclusions du grand débat ne répondront pas aux attentes des gilets jaunes ! Les médias pilonnent sur ce thème allant crescendo depuis des semaines.
Samedi 2 mars à 14 h BFMTV et C News donnaient 5 200 participants en France et 1300 à Paris !!! Cela a duré tout l’après-midi, ils ne craignent pas le ridicule, il fallait déjà que le téléspectateur soit convaincu que le mouvement touche à sa fin ? L’avenir le dira.
Il a fallu attendre la toute fin d’après-midi pour avoir un autre chiffre du ministre de l’intérieur :
39 300 en France dont 4 000 à Paris. Le ridicule ne tue pas. Le service d’ordre devait être aussi nombreux et très actif…Il fallait à tout prix que les médias mettent en avant des chiffres en baisse.
Les journaux de 20 h 00 “n’ouvraient” pas sur l’habituel “samedi noir des gilets jaunes”, consigne respectée dans toutes les “bonnes” rédactions.
S’il voulait provoquer les citoyens.es Macron ne s’y prendrait pas autrement. Il pourrait même en réveiller et leur donner envie de participer au mouvement qui a bouleversé le calendrier politique et ébranlé la confiance, de plus en plus relative, dans ce gouvernement.
Ils seront les bienvenus pour lui donner plus de force en mettant en commun leurs convergences avec le mouvement syndical notamment. Pour résister pacifiquement à la violence sociale du pouvoir des riches. Et obtenir des mesures concrètes. Rien ne s’obtiendra sans luttes.
Macron ne veut remettre en question aucun de ses choix politiques. Que reste-t-il à la majorité active et silencieuse pour se faire entendre ? La résignation, la peur d’agir et du pouvoir en place, le respect des institutions ? Pourquoi ne pas recourir à un référendum sur les questions sociales au coeur des revendications, par exemple et/ou sur la transition écologique ? La constitution le prévoit mais les référendum n’ont pas très bien réussi aux présidents sortants…Il existe depuis 2015 le référendum d’initiative partagé qui n’a jamais été utilisé. On a même en France un référendum décisionnel local depuis 2003. Ce serait le moment à Toulon avec la question du tramway et celle de l’aménagement du port.
Les gilets jaunes portent le RIC comme s’il était le sésame qui ouvre toutes les portes. On peut au moins en discuter. L’intervention citoyenne plutôt que l’abstention. Le vote blanc comme un vote exprimé, plutôt que l’anti-parlementarisme, la possibilité de révoquer tous les détenteurs de pouvoirs, économiques publics et privés, politiques, médiatiques.. en fonction de critères à définir etc…pour faire vivre la démocratie pas pour l’étouffer. Ni pour la confier aux intérêts privés plus puissants que les Etats, pour certains.
Les gilets jaunes ont annoncé un mois de mars bourgeonnant…c’est de saison. Ils sont impatients de savoir ce que Macron va tirer comme conclusions de son long monologue avec les Français…qui ne se font guère d’illusions.
René Fredon