Pour le 75ème anniversaire du débarquement en Provence qui souffre de la couverture médiatique de celui de Normandie, le 6 juin 1944, Macron avait manifestement tenu à réhausser les cérémonies et la spécificité du débarquement intervenu sur les côtes varoises deux mois plus tard.

Il a appuyé sur l’hommage particulier aux soldats de l’armée d’Afrique (issus de “l’armée coloniale”) qu’il reconnaît “n’avoir pas eu la gloire et l’estime que leur bravour mérite…” sans aucun doute, hélas il n’en reste plus beaucoup !

Mais il n’a pas été le premier à reconnaître leur mérite et leur courage…heureusement.

Qui se souvient que, sur les 235 000 soldats des forces françaises, 90% étaient originaires des troupes coloniales sur les 350 000 combattants, alliés compris, ayant participé au débarquement ?

Jacques Chirac notamment, en 2004, lors du 60è anniversaire, avait évoqué à Toulon “ces valeureux soldats (qui) venaient de la métropole et de tous les horizons de l’Outre-Mer français. Jeunes de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, fils de l’Afrique occidentale ou de l’Afrique équatoriale, de Madagascar ou de l’Océan indien, de l’Asie, de l’Amérique ou des Territoires du Pacifique, tous se sont magnifiquement illustrés dans les combats de notre Libération. Ils paieront un très lourd tribut à la victoire”. Vingt chefs d’Etats d’Afrique du Nord et d’Afrique sub-saharienne étaient présents.

Cette fois, deux chefs d’Etats seulement, de Guinée et de Côte d’Ivoire, sur les 15 invités, ont fait le déplacement. Le rayonnement de la France en Afrique et ailleurs, n’est plus ce qu’il était par ces temps de tensions extrêmes qui ne ressemblent plus du tout à l’euphorie de la Libération et des années qui ont suivi, suscitant une forte aspiration des peuples colonisés à l’indépendance.

Ce qui ne s’est pas fait en douceur, avec le déclenchement de la guerre du Vietnam (prolongée par les Etats-Unis, de celle de Corée (par les Etats-Unis) et de celle d’Algérie, pour ne citer que les plus longues et les plus meurtrières. Avec des cicatrices encore profondes parmi des peuples aujourd’hui métissés où subsistent de forts relents de l’esprit colonial.

Qui aurait pu penser qu’en France et en Europe, le peuple après avoir terrassé “la bête immonde du nazisme”, ressurgissent des courants puissants d’extrême-droite à un tel degré de nationalisme et de xénophobie, au pouvoir dans certains Etats ou, comme en France, “tirant” le gouvernement vers l’intransigeance vis-à-vis des migrants “qui menacent nos racines chrétiennes, notre civilisation” ?

Des partis alignés sur Trump qui construit des murs, pour les mêmes raisons et qui ne sait plus qui menacer dans un monde en manque de perspectives pacifiques, démocratiques et progressistes, un monde divisé même sur l’état de la planète et les dispositions concrètes à prendre pour en finir avec le productivisme ravageur et son double, le consumérisme effréné.

Dès le 5 juillet dernier, dans une tribune du Monde, 22 personnalités dont Lilian Thuram, avaient attiré l’attention du Président de la République sur “la place des Africains et des combattants de tout l’empire colonial et notamment des Antillais dissidents, de toutes origines et de toutes confessions…de tous ces combattant venus d’Afrique…qui ont écrit cette page d’histoire en commun alors que celle-ci résonne pour tous dans une France désormais métissée et diverse…” (1)

L’appel semble avoir été entendu. Pour ce qui est du rôle de la Résistance, avant et pendant le débarquement, il l’a évoqué bien trop succinctement. (2)

Le surlendemain, à Bormes-les-Mimosas, commune où se situe le fort de Brégançon, il a pris un bain de foule, en chemise, avant de commémorer la libération de la commune et d’aborder quelques sujets d’actualité à la veille d’une rentrée qui s’annonce houleuse.

Il a parlé réconciliation et non résignation...”face à la crise profonde de doute qui traverse le monde occidental…” Evoquant “les moments difficiles de ces derniers mois…” avec les Gilets jaunes qui n’ont pas l’intention d’abdiquer, pas plus que les Français(es) très inquiets pour les retraites jusqu’à 64 ans, la réduction des allocations-chômage, la fin du statut des fonctionnaires…bref la poursuite d’une austérité renforcée pour la France d’en bas pour répondre aux attentes des plus riches.

Parmi les sujets qu’il abordait lundi avec Poutine –et dont nous n’aurons qu’une communication édulcorée, figurera peut-être, la crise financière qui guette toutes les économies de marché et dont la presse spécialisée reconnaît la probabilité à court terme.

Le 29/11/18, CAPITAL (qui porte bien son nom) alertait sur “la nouvelle crise qui pourrait être un véritable tsunami…” (3) titre repris par La Tribune du 3 avril 2019, Patrick Artus, dans le Figaro du 7 juin 2019, l’économiste en chef de Natixis se veut un peu moins alarmiste mais ne l’écarte pas. Il vient de sortir un nouveau livre : “Discipliner la finance ?” Y croit-il encore…pas sûr.

Macron, ancien directeur de banque d’affaires, est forcément au parfum. Il sait que l’économie mondiale n’a jamais été aussi endettée et que la récession menace. Il n’a pas vocation à nous inquiéter.

Pas plus que nous à le suivre.

René Fredon

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/05/75e-anniversaire-du-debarquement-de-provence-il-faut-rendre-hommage-aux-combattants-venus-d-afrique_5485576_3232.html

 

(2) Nous vous recommandons la lecture de l’ouvrage de l’historien varois Jean-Marie Guillon réédité à l’occasion du 50è anniversaire du débarquement : Le VAR, la Guerre, La Résistance 1939-1945 Edité par le conseil général du Var et le CDDP du Var

(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-crise-de-2019-celle-qui-ridiculisera-toutes-les-autres-1317882

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Retour sur les cérémonies du débarquement