Nucléaire : réponse à Philippe Chesneau

 

J’ai lu avec attention le texte d’Alternatives Economiques que Philippe nous a transmis sur la question -très sensible- du nucléaire mise en effet très tardivement en débat. Mieux vaut tard que jamais. La question de nos capacités de production d’électricité est majeure. Elle commande notre indépendance énergétique et nos engagements climatiques de renoncement aux énergies fossiles.

En  France nous avons une production d’électricité d’origine nucléaire qui se situe autour de 70% du total produit à partir d’un parc de 56 réacteurs. Ce qui fait de nous  le second producteur au monde, après les Etats-Unis, de cette source d’énergie qui présente l’avantage d’être décarbonnée, pilotable et la moins coûteuse en fonctionnement…lorsque le monopole public d’EDF-GDF, né à la Libération, n’était pas encore une société anonyme répondant aux critères libéraux de gestion.

Dès les années 80, des pays ont refusé le nucléaire civil poussés par une partie de l’opinion estimant dangereux et non maîtrisés le traitement des déchets et la sécurité dans les centrales nucléaires pour les personnels et la population.Trois accidents ont marqué les esprits : Three Mile Island en 1979 aux Etats-Unis, Tchernobyl en 1986 en Ukraine (URSS) et Fukushima en 2011 au Japon.

Cette dernière catastrophe a fait 21 000 morts et disparus du fait du séisme et du tsunami qui en a découlé auxquelles s’ajoutent 2 000 victimes lors de l’évacuation des zones lourdement atteintes.  Mais aucune victime et aucun cancer prouvé du fait de la mise hors service de la centrale nucléaire. Ce qui n’enlève rien aux conséquences humaines, écologiques, économiques, industrielles…dont la cause n’est pas le nucléaire. (1)

 

La question des risques et du stockage des déchets reste une vraie question même si le risque zéro n’existe pas et que les catastrophes industrielles -hors nucléaire- ont fait et font toujours des dégâts notamment humains considérables à travers le monde.

C’est d’ailleurs pourquoi la commission européenne vient de classer l’industrie nucléaire parmi les énergies vertes car pas -ou très peu carbonée- contrairement à l’éolien, au solaire, au gaz et au charbon. “Une énergie sans laquelle il n’y a pas de transition écologique possible”, comme l’ont écrit l’Agence internationale de l’Energie et le GIEC.(2)

Ce n’est pas parce qu’un sondage donne une majorité qui croit que le nucléaire contribue à l’émission de gaz à effet de serre qu’il faudrait s’aligner sur une méconnaissance de la réalité scientifique.

Plus sérieuse est la question des déchets et de leur traitement qui inquiète et ne saurait être éludée. Outre qu’il n’existe pas d’énergie qui n’impacte pas du tout l’environnement, le directeur de la Société française d’énergie nucléaire considère que les déchets ont tous des solutions, des exutoires selon leur radioactivité ou leur durée

de vie de sorte qu’ils ne soient jamais en contact avec la biosphère». Il plaide pour sa paroisse direz-vous ?

 

Ce qui laissera sans doute sceptiques celles et ceux qui ont pour objectif de “sortir du nucléaire” et qui veulent, en même temps, sortir de la spirale productiviste très carbonée alors qu’ils rejettent le moyen de freinage décarboné le plus efficace à court et moyen terme dont nous avons la maîtrise ? (3)

Autre incohérence, à mes yeux, la notion de “sobriété” concernant la demande d’énergie qui passerait par une économie sévère que le texte évalue “à une division par deux d’ici 2050″?!

Pour sa part, le réseau de transport d’électricité (RTE) “estime que la neutralité carbone ne peut être atteinte en 2050 qu’au prix d’un fort développement des énergies renouvelables et en ayant recours également au nucléaire afin de maitriser les coûts. Un rapport qui exclut l’hypothèse d’une maîtrise de la consommation d’électricité...”

Rapport évidemment contesté par les Verts, LFI, une partie du PS et, pour partie, partagé par le PCF qui ne s’aligne pas pour autant sur la politique de Macron, très loin s’en faut. Ni sur ses propositions concernant le nucléaire, ni sur sa responsabilité dans la vente de nos turbines de centrales -un pan de nos industries- au géant américain Général Electrique en 2014 qu’il vient de faire racheter par EDF ! Depuis qu’il a pris conscience qu’il faut encore compter sur le nucléaire tout en développant d’autres sources d’énergies.

Ce que défend, bien avant lui, Fabien Roussel qui n’a pas manqué de réagir : “C’est la politique du zig-zag de M. Macron, pour, aujourd’hui, se rendre compte qu’on perd notre souveraineté en matière d’outils nucléaires et que tout compte fait, il faut le racheter.  C’est de l’amateurisme…Quel terrible gâchis immense, avec des milliers de salariés qui ont été mis à la porte, qu’il faut aller reconquérir si demain on veut investir dans le nucléaire…”

 

Dans la foulée, il propose de “créer un Etablissement à 100% public pour l’électricité et le gaz qui ferait le choix d’investir dans la production d’énergies renouvelables et nucléaires».

 Dernière observation, je ne peux partager l’hypothèse avancée en conclusion selon laquelle  “une sortie du nucléaire est techniquement possible et économiquement défendable…” Pourquoi ?  parce qu’il faut dire qu’en se passant du nucléaire pilotable, c’est-à-dire qui nous fournit instantanément l’électricité, l’éolien par exemple ne l’est pas. Il ne produit que s’il y a du vent et a besoin d’une autre source pour compenser un fonctionnement très limité.

S’il n’y a plus de nucléaire décarboné, il faudra impérativement recourir à des centrales à gaz carbonées pour fournir l’électricité compensatrice suffisante, comme le montre Hervé Gueret, ingénieur-physicien toulonnais dans son essai. (4)

Le prix de l’électricité à la production et son bilan carbone ne seront plus les mêmes.

Il y a mieux pour défendre le pouvoir d’achat des plus modestes et pour maîtriser la formation des prix exorbitants des énergies et des produits de première nécessité, ce qui ne préoccupe pas du tout Macron et les très riches qui en sont directement responsables !

René Fredon                              

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_nucl%C3%A9aire_de_Fukushima

(2) https://fildmedia.com/article/le-nucleaire-une-energie-verte

(3)https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/6-bilan-energetique-de-la-france

(4) https://mail01.orange.fr/appsuite/#!&app=in8/office/preview

 

Nucléaire : réponse à Philippe Chesneau