Multinationales : les mauvais élèves de la neutralité carbone

 

Ce n’est pas un site de gauche qui le dit, c’est Novethic, une filiale du groupe Caisse des Dépôts, fondée en 2001 pour veiller à ce que les entreprises publiques et privées s’inscrivent dans les objectifs de la transition écologique et sociale en leur fournissant analyses, études, formations…”pour une finance 100% durable“. Qui peut y croire ?

 

Dans sa livraison du 13 février, Novethic décrypte le dernier rapport de l’ONG belge Carbon market Watch et le tink-tank allemand New climate intitute qui passent en revue les 24 plus grandes et plus riches multinationales du monde dont” aucune ne s’inscrit dans les accords de Paris”.

 

Rappelons que cet accord est un traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques, adopté par 195 Etats, plus l’union européenne, lors de la COP21 à Paris  le 12 décembre 2015. Les signataires se sont engagés à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°, de préférence 1,5°, par rapport au niveau préindustriel.

 

Il s’engage à inverser la tendance d’ici le milieu du siècle et d’en vérifier l’avancée à la fin des années 2020. Chaque Etat devant soumettre son plan d’action climatique.

 

Il prévoyait aussi qu”à partir de 2024 les pays doivent rendre compte de manière transparente des mesures prises et des progrès réalisés en matière  d’atténuation du changement climatique…

 

On en est loin…

 

Les 24 multinationales représentent 4% des émissions mondiales et 3 200 milliards de $. Aucune n’est reconnue “intégrité élevée“, une seule intégrité raisonnable”, le géant maritime danois Maersk, sept avec “intégrité modérée (Apple, ArcelorMittal, Google, H&M Group, Holcim, Microsoft, Stellantis et Thyssenkrupp) et les 15 autres en bas du classement dont Carrefour, JBS et Samsung.

 

“Les fausses allégations de “zéro net” et de “neutralité carbone” sont incroyablement préjudiciables”,explique Gilles Dufrasne, responsable des marchés mondiaux du carbone chez Carbon Market Watch. “Ils donnent l’illusion que les entreprises prennent des mesures sérieuses pour lutter contre la crise climatique alors qu’en réalité, elles balayent le problème sous le tapis et laissent aux autres et aux générations futures le soin de nettoyer leur gâchis.”

 

On ne le lui fait pas dire. Théoriquement, depuis le 1er janvier 2023 il est interdit de faire de la publicité qui vante la neutralité carbone…sauf si elle est prouvée ! Cela risque de prendre du temps.

 

Pourtant les grands plaisanciers, les compagnies de transports aériens, les grandes surfaces, les énergiticiens et tant d’autres, s’en servent sans modération pour compenser les baisses de consommations dans tous les domaines ou presque.

 

La hausse vertigineuse des prix et la stagnation des salaires et pensions, les reculs des protections sociale font l’affaire des grands patrons généreusement “aidés”, aux frais des contribuables. Ils n’ont pas inventé les paradis fiscaux pour rien ! La transparence n’est pas dans leurs gênes.

 

Les critères libéraux incompatibles

 

Quant aux fabricants d’armes, ils se frottent les mains, avec les ténors du BTP et du luxe. Mais pas touche à leurs superprofits, le ministre de l’économie ne veut toujours rien savoir avec l’aval, bien sûr, du super-président qui vient d’essuyer un sérieux camouflet à l’assemblée nationale avec le vote majoritaire CONTRE l’article 2 sur “l’index des séniors”, concession aux Républicains de Ciotti. 38 de leurs députés sur 61 ont voté contre !

 

Les objectifs climatiques sont quelque peu oubliés dans nos actualités officielles arc-boutées sur les retraites et la guerre en Ukraine où se consomment les armements plus vite qu’ils ne se renouvellent. Et où disparaît toute considération écologique et climatique, l’Europe étant engagée dans l’escalade militaire qui, dit-elle, pourrait battre Poutine ?? Plutôt que de privilégier la recherche de la paix à tout prix par la diplomatie et la politique.

 

On n’entend guère parler des enjeux climatiques comme s’ils avaient été mis en sourdine. En novembre 2022 se tenait à Charm-el-Cheik en Egypte, la COP27, la conférence mondiale sur le climat au début de laquelle le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutterez, alertait les dizaines de milliers de participants sur le fait que, depuis la conférence de Paris, “l’objectif de +1,5 ° est sous respirateur artificiel “…

 

Il citait les inondations au Pakistan qui avaient fait 1 700 morts, 33 millions de déplacés et des dizaines de milliards de $ de dommages comme illustration des phénomènes climatiques  qui nous menacent. Comme d’habitude Macron avait fait la leçon à tout le monde. La France se faisant condamner en justice pour “inaction climatique” !

 

Quatre mois plus tard, ce sont les tremblements de terre en Turquie et en Syrie qui ont fait,  à ce jour, près de 40 000 morts, des centaines de milliers de sans-abri, des dommages considérables.

 

Le bilan n’est que provisoire. Il pourrait doubler selon l’ONU. Il est vrai que ce bilan révèle aussi la très mauvaise qualité des constructions qui met en cause les constructeurs, les promoteurs et les donneurs d’ordre. Sans parler des secours défaillants sur place et de l’insuffisance des efforts des Etats les plus “riches”.

 

On peut se poser la question de l’efficacité des COP (conférences des parties, Etats signataires de la convention ONU sur le réchauffement climatique) tant que les principales décisions se prendront au club oligarchique du G20, voire G7 ? Et tant que les messages rassurants tendront à masquer que les résultats progressent moins vite que les émissions de GES.

 

Une action multilatérale peut se révéler efficace dès lors que les besoins collectifs de les réduire sont pris en compte et adaptés aux moyens de pays très divers.

 

 

René Fredon

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