Climat Energies

 

GIEC : le temps nous est compté

 

 

Parmi les questions essentielles qui n’auront pas été débattues au cours de la campagne désertée par le candidat-président -omni-présent par ailleurs- celle du climat et des énergies s’est trouvé limitée à l’exposé de chacun des 12 prétendants alors même que le GIEC adoptait le dernier volet de son 6è rapport rendu public le 4 avril et qui s’adresse au monde.

 

Un signal d’alarme sur l’urgence absolue à tenir les engagements de réduction des émissions de CO2, dans le monde entier, à commencer par les principaux pays qui polluent le plus et qui ont le plus de mal à respecter le calendrier qu’ils ont adopté pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

 

Le GIEC estime que la moitié de la planète, soit autour de 3,5 milliards de personnes sont “très vulnérables ” aux conséquences de la crise climatique qui s’accentue et dont il faut impérativement inverser la courbe dans les dix années à venir, faute de quoi il sera trop tard pour espérer maîtriser les dégâts irréversibles sur les espèces vivantes, l’agriculture, la santé, l’élévation du niveau de la mer, les catastrophes naturelles, les réfugiés climatiques… le rapport en détaille l’évolution apocalyptique si l’on s’en tient au rythme actuel.

 

Tout délai supplémentaire dans l’atténuation ou l’adaptation compromet l’avenir”, préviennent les experts qui ajoutent que “de nombreuses espèces et écosystèmes sont proches ou au-delà de leurs limites d’adaptation…” Le président du GIEC Hoensung Lee n’ y allant pas de main morte : “Ce rapport est un terrible avertissement sur les conséquences de l’inaction”.

 

Ce que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres traduit par : “perdre du temps, c’est périr…Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique”!

 

Malgré la pression des Etats-Unis pour “adoucir” certains passages du texte du GIEC sur “les pertes et dommages” les 195 Etats représentés reconnaissent que “le changement climatique est induit par l’humain…” Après deux jours de plus de délibération, l’unanimité s’est faite.

 

Elle constitue un progrès, certes, surtout verbal mais le dit-progrès cache une ambiguïté : la responsabilité du système économico-politique à la base de la sur-exploitation de la planète pour en extraire les matières premières gratuites que captent les industriels pour en tirer un maximum de profits. Processus qui se poursuit par nos modes de production et de consommation à leur tour sources de pollutions accumulées sur une très longue période.

 

Le GIEC ne peut aller jusque là, il s’en tient à la compréhension scientifique de l’état de la planète et de nos sociétés et propose des solutions pour inverser une tendance générale qui sous-estime le respect des espèces vivantes dont nous sommes et qui avons entre les mains le pouvoir de mettre fin -ou non-  aux dégradations que nous avons nous-mêmes provoquées…mais pas au même degré de responsabilité : “tous égaux, comme disait Coluche, mais certains plus que d’autres “. Beaucoup plus !

 

Au coeur des enjeux de société…

 

Et des raisons pour lesquelles les Etats attachés au mode de production capitaliste s’engagent verbalement pour faire état de leurs bonnes intentions à des fins électoralistes puis ne changent rien aux sacro-saints critères de rentabilité qui s’opposent aux investissements utiles, nécessaires à notre adaption à la situation climatique et aux transformations profondes qu’elle appelle. L’obstacle est de taille, il est lié au libéralisme lui-même qui, en même temps, creuse les inégalités sociales.

 

L’inaction de la France, reconnue en matière climatique, n’a pas d’autres motifs. Elle n’est, hélas pas la seule. Après la pandémie qui n’en finit pas de rebondir, la guerre en Ukraine sert de justificatif bien que ce soit surtout le peuple ukrainien qui en subit déjà les terribles conséquences. La sécurité collective en prend un sérieux coup, la paix est menacée…le climat attendra !

 

Pourtant cette guerre décidée par la Russie mais qui vient de loin, met aussi en évidence la dépendance de très nombreux pays d’Europe et au-delà, aux énergies fossiles russes : charbon, pétrole et gaz ! Et c’est notamment sur la sortie des énergies fossiles que les discussions au sein du GIEC ont été les plus difficiles de la part des pays qui y ont le plus recours.

 

Le GIEC souligne que les secteurs les plus énergivores (énergie, transport, industrie, agriculture…) et les  “individus au statut socio-économique élevé », sont principalement concernés. Une précision importante pour désigner les décideurs en général. Bien entendu, la question concerne tous les  citoyens. Les experts préconisent “des solutions axées sur nos modes de vie, nos habitudes de consommation et de production. Cela passe notamment par la mise en place d’une économie circulaire, de systèmes faibles en émissions carbone, l’amélioration de la gestion des déchets et le recyclage des matériaux.”

 

Pour entamer une “transition majeure” le GIEC mise sur la sobriété, notion assez peu consensuelle, sur le remplacement des énergies fossiles d’ici 2050 par rapport à 2019 : à 95% pour le charbon, 60% pour le pétrole et 40% pour le gaz. Il préconise l’utilisation de ressources renouvelables et peu carbonées, comme l’éolien, le solaire, l’hydraulique ou le nucléaire. Notant, par ailleurs, que les coûts de ces ressources étaient en constante baisse entre 2010 et 2019.

 

Ainsi le GIEC prend en considération le nucléaire sans l’opposer aux renouvelables, comme faisant partie des solutions garantissant une politiqu énergétique décarbonée et indépendante. Loin de le diaboliser, il rappelle la nécessité d’une meilleure gestion des déchets, ce qui est valable pour toutes les centrales produisant de l’électricité sauf les hydrauliques.(1. Voir le bilan carbone)

 

Les centrales thermiques dépendant du charbon produisent près de 40% de l’électricité mondiale mais elles sont aussi responsables de 73% des émissions de CO2 liées à notre consommmation d’électricité. Les transports, l’agriculture, le bâtiment, le numérique… s’ajoutent à la production d’électricité que certains veulent réduire alors qu’une grande partie de la planète en est privée partiellement ou totalement et que ça conditionne leur développement.

 

En matière de financement , il invite à les multiplier de “3 à 6 fois plus“que les niveaux actuels, d’autant qu’une grande majorité des financements privés et publics sont encore à destination des énergies fossiles, constate-t-il ?

 

Il y a un mois, le 28 février 2022, le quai d’Orsay publiait un communiqué hallucinant : “La France rappelle la nécessité de poursuivre la baisse des émissions carbone et d’accélérer l’adaptation des territoires vulnérables”?! La France donneuse de leçon, comme si, juste avant la publication du dernier volet du rapport du GIEC, elle n’était pas concernée par les constats accablants qui s’y trouvent. Alors que son quinquennat climatique s’est avéré un véritable fiasco dans tous les secteurs.

 

C’est ce décalage entre les décisions prises lors des COP et leur traduction dans les faits qui ont inspiré ce document qui dit explicitement aux gouvernements et aux pollueurs : “Assez de promesses, aux actes avant qu’il ne soit trop tard”!

 

Sanctionner Macron, c’est la moindre des choses. A travers lui, c’est le libéralisme qui est mis en cause. Il promet le retour à l’avant-pandémie en pire ! S’agissant des énergies, il continuera leur privatisation tout en construisant 5 nouveaux réacteurs (27 sur 56 sont à l’arrêt)  visant à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique ! Or c’est grâce au nucléaire décarboné que nous avons eu l’électricité suffisante, la plus propre et au moindre coût, au lendemain de la 2è guerre mondiale…jusqu’à ces derniers temps de liquidation de nos services publics.

 

Dans le monde,  la construction de réacteurs nucléaires se développe à grand pas, sur tous les continents et notamment en Chine, en Russie et en Inde où la production de charbon est encore dominante.(2)

 

Il est possible et urgent de nous engager dans la réduction significative des GES dans tous les domaines, à commencer par le renoncement aux énergies fossiles. Et en recourant aux énergies non carbonées qui cessent d’être une marchandise soumise au marché donc à la spéculation, pour devenir un bien commun  géré par un pôle public à 100% regroupant tous les acteurs : entreprises, élus, salariés, usagers…maîtrisant les coûts et les investissements.

 

Il n’est pas trop tard pour y réfléchir.

 

 

René Fredon

 

 

 

‍(1)https://www.greenly.earth/blog/bilan-carbone-secteurs-economique

(2) https://www.kernenergie.ch/fr/l-energie-nucleaire-dans-le-monde-_content—1–1071.html

 

 

 

 

 

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