L’HUMANITÉ: Election présidentielle au Chili : Jeannette Jara, la candidate communiste qui veut transformer le pays en profondeur….

Pour la première fois depuis le retour de la démocratie au Chili, la coalition de gauche sera représentée par une communiste, l’ex-ministre du Travail Jeannette Jara, lors de l’élection présidentielle dont le premier tour a lieu ce dimanche 16 novembre.

Figure la plus à gauche au sein de l’exécutif, la communiste Jeannette Jara incarne ainsi des réformes sociales visant à améliorer la vie de millions de personnes dans un Chili qui, malgré son appartenance à l’OCDE et un PIB par habitant qui en fait un pays à revenu élevé, maintient le record de l’une des sociétés les plus inégalitaires d’Amérique latine.

Sa victoire haut la main, le 29 juin dernier, lors de la primaire de la gauche, avait quelque chose d’historique. Avec 60 % des suffrages, Jeannette Jara devenait la première militante du Parti communiste du Chili (PCCh) à être désignée – depuis le retour de la démocratie – par le camp progressiste pour porter les couleurs de la coalition à la présidentielle.

Un choix fort de symbolisme dans un pays toujours marqué par les sanguinaires années pinochétistes (1973-1990), et où la mémoire fait encore l’objet d’une dure bataille entre les héritiers politiques de l’Unité populaire et ceux du général-tyran, toujours prompts à relativiser les horreurs commises durant les sombres pages de l’histoire récente du pays sud-américain.

Celle de Jeannette Jara (51 ans) commence en 1974, à peine quelques mois après le fatidique 11 septembre qui vit le palais de la Moneda bombardé avec la bénédiction de la CIA. Naissance dans le quartier populaire de Conchali, en banlieue nord de la capitale ; un père ouvrier mécanicien, une mère femme au foyer.

Aînée d’une fratrie de cinq enfants, Jeannette est la première de sa famille à décrocher un diplôme universitaire (administration publique, en 1997), à la faculté d’administration et d’économie de Santiago, où son engagement la mène à présider la Fédération étudiante.

49 ans après la mort d’Allende, la première communiste au gouvernement…

À cette époque, la jeune femme a déjà derrière elle neuf ans d’expérience militante au sein des Jeunesses communistes, qu’elle a intégrées à l’âge de 14 ans. Avant de rejoindre le parti en 1999, et son comité central l’année suivante. Fonctionnaire au sein de l’administration fiscale, dirigeante syndicale, enseignante universitaire, juriste, elle est invitée à participer au second gouvernement de Michelle Bachelet (2014-2018) avec des responsabilités aux ministères du Travail puis du Développement social et de la Famille. Durant le second mandat du néolibéral Sebastián Piñera (2018-2022), elle exerce le métier d’avocate, s’incline aux élections municipales à Conchali puis collabore avec l’équipe de la maire communiste Iraci Hassler, à Santiago.

En janvier 2022, lorsque le nouveau président de gauche Gabriel Boric annonce la composition de son premier cabinet ministériel, Jeannette Jara est nommée ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, devenant ainsi la première militante du PCCh à occuper ce poste depuis le retour à la démocratie du pays, quarante-neuf ans après la chute du gouvernement du socialiste Salvador Allende.

Dans un pays corseté par une Constitution néolibérale rédigée par le régime militaire, la ministre communiste du Travail parvient tant bien que mal à inscrire plusieurs victoires sur son tableau. Réduction du temps de travail (de 45 à 40 heures par semaine), augmentation du salaire minimum (+ 50 %), réforme des retraites (hausse des pensions ainsi que des cotisations patronales, presque inexistantes jusqu’alors, avec la mise en place d’un nouveau système à forte composante solidaire et de répartition en remplacement du modèle antérieur, exclusivement privé)…

Élection présidentielle au Chili : Jeannette Jara, une communiste aux portes de la Moneda ?

Figure la plus à gauche au sein de l’exécutif, la communiste incarne ainsi des réformes sociales visant à améliorer la vie de millions de personnes dans un Chili qui, malgré son appartenance à l’OCDE et un PIB par habitant qui en fait un pays à revenu élevé, maintient le triste record de l’une des sociétés les plus inégalitaires d’Amérique latine.

Tout cela dans le cadre d’un mandat qui a beaucoup déçu à gauche, parti du mauvais pied avec le rejet par référendum d’une nouvelle Constitution progressiste en septembre 2022. Six mois à peine après son arrivée au pouvoir, le jeune président Boric avait dû recentrer son gouvernement et sa politique, en faveur des sociaux-démocrates.

Transformer le pays en profondeur

La victoire de Jeannette Jara, en juin dernier, face aux barons issus de l’élite de centre-gauche, n’est-elle pas le signe d’un besoin de plus de radicalité pour transformer le pays en profondeur ? Mais si c’est en partie en misant sur ses origines humbles que celle qui a connu ses premiers petits boulots à l’âge de 13 ans et son premier job dans la cueillette a pu remporter la primaire de la gauche, ce sont maintenant les voix des électeurs plus modérés qu’elle semble devoir chercher.

Face à l’extrême droite, les dirigeants progressistes d’Amérique latine réunis au Chili pour organiser la riposte

Car si son passage pour le second tour semble pour le moment assuré (tous les sondages la placent en première position avec autour de 30 % des voix lors du scrutin de ce dimanche), les droites – traditionnelles et extrêmes – cumulent à ce jour 60 % des intentions pour le second round, qui se tiendra le 14 décembre.

Alors que celles-ci poussent pour imposer les thèmes de l’insécurité et de l’immigration au cœur de la campagne, reste à voir si Jeannette Jara, forte de son bilan de ministre et de son charisme indéniable, saura convaincre avec son programme basé sur une amplification des droits sociaux et un État interventionniste. D’autant plus qu’elle risque de se retrouver face à José Antonio Kast, le candidat d’extrême droite nostalgique de Pinochet.

Publié le 16 novembre 2025

Luis Reygada

Election présidentielle au Chili : Jeannette Jara, la candidate communiste qui veut transformer le pays en profondeur….