Logement social : le grand oublié de la campagne

Début février, la fondation Abbé Pierre livrait son bilan annuel sur le mal-logement et  l’insuffisance de logements sociaux qui d’année en année se traduit par un déficit de constructions accessibles aux familles aux revenus les plus modestes dont un nombre croissant bascule dans le mal-logement et, pour 300 000, sans logement du tout !

Macron ne disait-il pas “vouloir libérer les contraintes…et protéger les personnes à la rue” ? Alors qu’en réalité son gouvernement n’en a jamais fait une priorité, constate la Fondation Abbé Pierre (FAP).

C’est si vrai que dès l’été 2017, sans concertation, l’exécutif s’empressait de baisser les APL de 5 euros ! Pris d’autorité sur les budgets des offices d’HLM qu’il ne devait pas tarder à débaptiser et à reconcentrer tellement il était pressé de réduire les aides aux plus pauvres et de les “geler” avant de les calculer sur les revenus actuels et non plus sur ceux de deux ans auparavant, soit une économie de 1,1 milliard sur le dos des pauvres, réduisant le nombre de bénéficiaires de 6,5 millions à 5,7 millions en une année !

Des dispositions punitives, au détriment des plus pauvres, estimées à 15 milliards ! Le “président des riches” avait bien mérité ce titre qui ne l’a plus quitté pour cette entrée en fonction visant ceux qui, selon ses dires, “nous coûtent un pognon de dingue”?

En 5 ans l’Etat a pris aux HLM plus de 6 milliards d’euros, les privant ainsi de la capacité de construire 200 000 logements sociaux..“a résumé son délégué général  Christophe Robert. La production est ainsi passée de 124 000 logements en 2017 à moins de 100 000 en 2021, dont à peine 40 000 pour les locataires aux plus bas revenus qui n’ont pas accès au “logement intermédiaire” destiné aux classes moyennes supérieures, plus solvables et donc moins d’impayés.

Le droit au logement reste fictif pour des millions de foyers, les listes et le temps d’attente s’allongent, le mal-logement aussi car les jeunes notamment, faute d’emplois et de ressources restent plus longtemps à la maison.

Pourtant dans nos communes littorales la construction va bon train mais pas celle qui répondrait aux besoins des familles modestes. Elles ne peuvent ni envisager de payer un loyer dans le secteur locatif privé, encore moins accéder à la propriété.

Il y a peu, le quotidien niçois rayonnant sur le Var titrait sur toute la largeur  : “Jusqu’à quand l’immobilier va continuer de grimper ?”avec une tonalité admirative du syndicat des professionnels de la vente qui croyaient avoir atteint un plafond de transactions. Leurs espérances ont été dépassées : les prix ont fait un bond de 25% en cinq ans dans le Var, au-dessus de la moyenne nationale : 28 523 logements se sont vendus en 2021, le double qu’en 2014 ! Le terrain est de plus en plus cher sur la bande littorale, donc de plus en plus inabordable aux plus modestes.

Cette flambée des prix du foncier ajoutée à l’hostilité de nombreux maires -très majoritairement à droite dans le 83 et le 06- s’est transformée en une fronde organisée de la plupart d’entre eux contre la loi SRUqui vient d’être “simplifiée” comme ils disent. Pourquoi faire du social quand on vend -ou qu’on loue- aussi facilement du logement neuf ou ancien ? Certes mais pas à tout le monde.

Au dernier conseil municipal de Toulon, Falco et son adjoint, président de Toulon-Habitat -Méditerranée, organisme unique pour la métropole intégrant tous les anciens offices d’HLM, ont osé parler “du manque de terrains disponibles -alors qu’on ne compte pas les grues dans tous nos quartiers- et “de la difficulté pour les bailleurs sociaux d’équilibrer une opération avec les loyers” !

De qui se moquent-ils sinon des près de 5 000 foyers toulonnais qui sont sur liste d’attente. Autrement dit ils ne construisent plus, ils se contentent “d’entretenir, de rénover et de réhabiliter l’existant”. Encore heureux…mais quel aveu ! Et quelle mentalité ! Cela revient à dire que “la ville en bord de mer ne peut plus construire du logement social” ??

Ils n’y sont pour rien, voyons…puisqu’ils vous le disent : c’est la loi du marché. Tant pis pour les mal logés si elle est incompatible avec le droit au logement !

La loi SRU retoquée

La ville a dû payer en 2021, une pénalité de plus de 2 millions d’euros : ça c’est de la gestion ? Les mêmes, du côté des LR mais pas que…sont ravis de l’adoption de la loi 3DS (différenciation, décentralisation et déconcentration portant simplification…) qui se dit donner plus de pouvoirs aux élus locaux mais toujours moins de moyens, se veut plus souple dans l’application de la loi SRU (25% de logements sociaux) et qui laissera les préfets et les maires décider ou non du respect des objectifs.

Sur les 1045 communes éligibles à la loi SRU, 469 (44%) n’ont pas atteint leurs objectifs. Les amendes automatiques sont supprimées, des contrats de mixité sociale les remplaceront et permettront d’étaler les retards sur 9 ans, des conditions d’assouplissement de ce quota de 25% sont prévues…Ainsi les communes pourront négocier de gré à gré et se cacher derrière les intercommunalités masquant ainsi une hostilité politique devenue légale.

 

Mais, comme à La Seyne, les maires conservateurs ont tous des prétextes “vertueux” pour ne pas avoir de logements sociaux, tels que “stopper la bétonisation”, “protéger les terres agricoles et les espaces verts”, “limiter la densification de la commuune…”, alors que leur motivation c’est de réduire la proportion de constructions sociales ! Ce qui s’appelle de la ségrégation.

Non, cette loi ne renforce pas la loi SRU, elle la vide de sa substance. C’est un nouveau coup porté au droit au logement, à l’égalité d’accès au logement quel que soit le territoire…si vous habitez dans une commune littorale l’offre de logements sociaux sera très limitée et le prix des loyers ne sera pas le même, dans le public comme dans le privé. Les élus libéraux s’accomodent très bien de la sélection sociale, c’est même à ça qu’on les reconnaît.

Ils ne veulent ni voir la réalité en face, ni entendre les analyses qui mettent l’accent sur l’ampleur de la crise du logement, premier poste de dépenses incompressibles pour des millions de foyers modestes qui peut représenter jusqu’à 40% de leurs petits budgets mensuels. On imagine la catastrophe lorsque les prix flambent comme en ce moment et que les services publics sont voués à la privatisation.

Conséquence directe de leur politique libérale du “tout marché”, en crise profonde qui se superpose à la crise sanitaire et à toutes les autres très avancées qu’elles soient économique, sociale, écologique, démocratique…donc politique.

Et, vient de sonner comme un coup de tonnerre, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une crise majeure aux conséquences imprévisibles, humaines d’abord qui rend encore plus incertain l’avenir de la paix et des relations entre peuples et Etats en Europe et dans le monde. Une situation de guerre entre deux impérialismes qui va peser lourd dans la campagne des Présidentielles.

Une autre conception du logement social, comme urgence et droit

La FAP avait invité les candidats à l’élection présidentielle à participer à des entretiens personnalisés exigeants avec le délégué général, animés par Anne-Sophie Lapix. Fabien Roussel a répondu présent. Voir la vidéo en direct (1)

A travers les questions qui lui étaient posées il est entré dans le détail de son programme qui consacre deux chapitres à la question du logement (2)

Il a précisé l’esprit qui animait son projet de société “avec au coeur la dignité humaine par l’emploi, le travail, le salaire…pour que chacun trouve sa place dans la société, la question du pouvoir d’achat et de la vie chère, question prioritaire et dans cette question la part des loyers et des charges…des logements décents et accessibles…

 Je veux aussi dire qu’il faut démétropoliser la France, revitaliser l’ensemble de nos campagnes et permettre à ce que dans toutes nos communes rurales, dans tous les villages l’on puisse développer des services publics, avoir accès à l’emploi mais aussi avoir accès au logement à loyer modéré sur tout le territoire…”

Concernant la construction, Fabien Roussel propose de réaliser 200 000 logements dont 60 000 très sociaux, soit plus du double qu’en 2021, estimant qu’il en faudrait davantage pour rattraper les retards accumulés. “Il est aussi nécessaire d’investir dans la rénovation de 700 000 autres, soit un investissement de 10 milliards d’euros, pour en finir avec les passoires thermiques : c’est aussi un enjeu énergétique et climatique et ça passe par l’aide à la pierre…”

Il a rappelé que, depuis l’appel de l’abbé Pierre en 1954 et les premières “cités d’urgence”, le PIB, les richesses produites en France, ont été multipliées par 6 ! “Ce n’est donc pas une question de moyens, c’est une question de volonté politique, de choix de société…”

La 100è proposition de son programme prévoit la création d’un service public national et décentralisé du logement, de l’habitat et de la ville.

 

Bien d’autres thèmes ont été abordés qui soulignent l’importance de cette question vitale, largement sous-estimée parce que Macron, la droite et l’extrême-droite font du logement en général, un objet exclusif de marché, de profits soumis à la loi de l’offre et de la demande et nullement une obligation de l’Etat pour celles et ceux  qui ont aussi le droit d’avoir un toît, quels que soient leurs ressources et les aléas de la vie.

Question de solidarité et d’humanité.

René Fredon

 

(1) https://www.youtube.com/watch?v=19ceE28KIL0

 

(2) https://www.fabienroussel2022.fr/objectif_6

 

Logement social : le grand oublié de la campagne..