On a vécu en direct le 6 juin dernier la journée commémorative du débarquement des alliés américains, anglais et canadiens qui a mobilisé de nombreuses chaînes toute la journée sous le signe de l’hommage aux 10 500 soldats de ces pays qui ont péri sur les plages normandes. En présence de 500 vétérans qui, 75 ans après, vivent encore et méritent la reconnaissance du pays pour lequel ils se sont battus et l’hommage qui leur a été rendu.

Par delà le déroulé protocolaire, la présence d’invités prestigieux, la Reine d’Angleterrre, la chancelière allemande, le président Trump, le président de la République, le chef d’Etat du Canada…et la persistance de l’absence d’un pays, la Russie, particulièrement concernée par la victoire sur les armées nazies ont attiré l’attention de plus d’un observateur.

Le Président Trump particulièrement, qui est engagé dans une bataille ostensiblement hostile à une union des Européens qui lui fait encore trop d’ombre et qui ne le suit pas dans toutes ses initiatives protectionnistes. La veille, il tenait en Angleterre des propos virulents de milliardaire populiste, style dont il ne peut se défaire, pour s’immiscer dans les affaires intérieures anglaises et soutenir le brexit après avoir, à son arrivée, traité le maire (musulman) de Londres, Sadiq Khan de “looser total”.

Il a carrément désigné le successeur de Thérésa May qui a ses faveurs, Boris Johnson tout en félicitant Nigel Farage, autre populiste à la tête du “Bexit party” qui a fait  31,6% aux Européennes.

Avec la France et tous les autres signataires, le désaccord porte sur son retrait de la COP 21 adoptée en 2015, sur son retrait de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, sur sa guerre commerciale tous azimuts, Paris, Londres et Berlin veulent que l’accord demeure avec l’Iran.

Au cimetierre américain de Colleville-sur-Mer où sont alignées 9 300 sépultures alliées et sur les autres sites où ont eu lieu les discours, Macron et Trump ont affiché une apparence de “lien indéstructible” “d’amitié indéfectible”…entre nos nations au moment où s’affichent autant de divergences et d’intérêts contraires sur la manière de concevoir les rapports entre Etats pour que le libéralisme continue à être le socle commun des occidentaux.

C’est ce qui d’ailleurs a fait réagir Raffarin, ancien premier ministre de Chirac qui n’est pas un bouillant révolutionnaire, il a considéré que la présence de Trump avait crée un malaise, que “le temps de l’alliance atlantique est peut-être fini et que ceux qui étaient nos alliés, qui avaient avec nous conquis la liberté, sont devenus des concurrents et des adversaires…les Etats-Unis sont devenus un allié de l’histoire mais pas forcément de l’avenir…”

Il a même été encore plus loin au micro de JP Elkabache, déclarant qu’il ne croyait pas “Aujourd’hui s’il y avait besoin de l’Amérique, je ne suis pas sûr qu’elle serait au rendez-vous .”

Jugement inhabituel dans les rangs de la droite qui participe du combat qui fait de l’Amérique la puissance référence avec beaucoup de constance et de conviction pour qu’on accepte son hégémonie (à travers l’OTAN et les institutions mondiales : économiques monétaires, commerciales), en faire une sorte de modèle de démocratie  dont on imite le mode de vie et de consommation, la pensée unique dominante, un système où les plus forts réussisent et les autres galèrent.

De 1945 jusqu’à la fin des années 1960, une large majorité de l’opinion française savait que c’était l’ex-URSS qui avait le plus contribué à la défaite des nazis. Depuis, une large majorité de Français.es est convaincue que ce sont les Etats-Unis qui ont eu le rôle le plus décisif.

Evidemment s’agissant du débarquement en France, l’armée soviétique n’y a pas participé et nos gouvernements ont entretenu l’impression globale que ce fut l’entrée des alliés anglo-américains dans le conflit qui a déterminé le sort de l’Allemagne nazie. Elle y a certes contribué comme toutes les résistance intérieures regroupées dans les FFI dont le rôle continue à être largement minoré.

Dominique Lormier, spécialiste de la seconde guerre mondiale (à qui j’emprunte le titre, relatif à son ouvrage concernant la participation américaine en 1917 et 1918), interwievé par  VM le 2 juin 2019, relativisait l’évènement sans en réduire la portée. Pour lui, “le rôle de l’armée soviétique a été déterminant : sur les 5,5 millions de soldats allemands morts durant la seconde guerre mondiale, 4 sont tombés contre l’armée soviétique et 1,5 million contre les Alliés occidentaux…un sondage récent montre que 80% des occidentaux pensent que c’est l’Amérique seule qui a gagné la guerre et libéré le monde…”(1)

En effet et le comportement du chef de l’Etat banalise le parler-faux assez courant en diplomatie. Comme si on pouvait compter sur nos “amis indéfectibles” au-delà des commémorations en jouant une comédie qui ne trompe (si j’ose dire) plus personne sinon les thuriféraires de…Trump, il y en a, si, si. Mais pas tous les Américains.

Lui se fiche pas mal des bonnes manières et des précautions de langage. Il a l’élégance de ses chars et les ambitions du milliardaire qui veut juste nous donner envie de l’imiter …sans y croire. Il semble que ça marche encore.

René Fredon

1)Les véritées cachées de la seconde guerre mondiales Ed. du Rocher (22,90 euros)

 

Débarquement en normandie : Le mythe du sauveur américain

Laisser un commentaire